L’Écologiste n°16 - septembre-octobre-novembre 2005, p13-16
Téléphonie mobile : pourquoi et comment réagir
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Pour protéger le maténel électronique contre les champs électromagnétiques, la
loi fixe un maximum de 3 volts par mètre. Pour les humains, la limite est au
mieux de 41...
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Les hyperfréquences abandonnées par l’armée car trop dangereuses… sont
aujourd’hui utilisées par l’industrie
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Il y a urgence : la grande majorité de nos contemporains a aujourd’hui un
téléphone portable. Or les opérateurs eux-mêmes ne garantissent pas leur absence
de danger sanitaire : c’est à chacun de choisir de prendre ou non ce risque.
Quant aux antennes relais, « dans l’état actuel des connaissances », aucun danger
ne serait vraiment identifié dit la version officielle. Qu’en est-il vraiment ?
Par Marc Cendrier
Il y a effectivement, à ce jour, de nombreuses « personnes malades » : voilà ce
que déclare René Russo, délégué général de l’Association française des
opérateurs de téléphonie mobile (AFOM), dans un courrier adressé à des associa-
tions écologistes. (1) Voilà une affirmation tranchée fort peu rassurante,
venant du responsable de la structure qui représente les trois opérateurs
français Bouygues Télécom, Orange et SFR ! Mais continuons la lecture. Ces
malades existent bien, mais... « non pas a cause des rayonnements
électromagnetiques mais à cause de la crainte, que vous avez souvent inspirée a
ces personnes, des pseudos effets néfastes des antennes. Fragiles et réceptives
à vos discours ou à vos écrits, ces personnes induisent, par effet nocebo, des
vraies maladies à partir de fausses causes. » Diantre ! Un tel discours rappelle
bien sûr celui du lobby nucléaire à propos des victimes de Tchernobyl. (2) Mais
le rapprochement s’arrête là, car si les partisans du nucléaire ont su mobiliser
des autorités du monde scientifique, René Russo a quant a lui des références
beaucoup plus floues : « Je l’ai appris en discutant avec des professeurs de
médecine car je ne connaissais pas l’effet nocebo »... On se doit quand même de
signaler que cette théorie semble insuffisante pour expliquer les pathologies
engendrées par les antennes relais sur des bovins, des oeufs ou des vers de
terre, peu connus pour être sensibles aux rumeurs alarmistes. (3)
La réglementation
Revenons à la réalité : il y aurait aujourd’hui selon l’AFOM quelques 40
millions de Français équipés d’un téléphone portable et 37 000 antennes relais
en France. Plus précisément, ce que ne dit pas l’AFOM, il s’agit de « stations de
base » qui comprennent chacune plusieurs antennes relais. Le nombre réel
d’antennes serait plutôt de l’ordre de 200 000 à 300 000. Peut-on imaginer qu’un
équipement aussi répandu notamment sur les toits des crèches, des écoles, des
hôpitaux et même des églises se soit développé sans une réglementation sanitaire
adéquate ? C’est ce qu’écrivent les huit députés UMP, UDF, PS et PC dans
l’exposé des motifs de leur récente proposition de loi relative à la réduction
des risques pour la santé publique des installations et des appareils de
téléphonie mobile : « Tout ceci a été autorisé par une réglementation peu
contraignante qui ne prend pas vraiment en compte les aspects sanitaires du
dossier de la téléphonie mobile. » ! Mais qu’en est-il du décret du 3 mai 2002
qui définit les valeurs limites d’exposition du public ? Ce décret, expliquent
les députés,« a été strictement calqué sur une recommandation européenne,
elle-même forte- ment critiquée, sur ses fondements sanitaires, par le Parlement
européen (Rapport Tamino, 1999). »(4)
Pourquoi, sur un sujet aussi important, le texte euro- péen de référence
n’est-il qu’une simple « recommandation » issue de la non-démocratique Commission
européenne, et non une directive issue des députés élus au Parlement européen ?
Tout simplement, comme l’explique en substance le rapport Tamino adopté par le
Parlement européen (5), la recommandation de la Commission ne prend en compte
que les effets thermiques des champs électromagnétiques et ignore les nombreux
travaux scientifiques sur les autres aspects. Sur la base de ce rapport, le
groupe d’experts réunis à l’initiative de Tamino a préconisé d’adopter 1 V lm
comme seuil d’exposition électromagnétique. La Commission, suivie par le Conseil
des ministres, a préféré adopter la position des industriels. Elle a ainsi suivi
la position de l’ICNIRP (6), très proche des industriels d’après les Verts au
Parlement européen. Le principe de précaution, comme l’a justement fait
remarquer le rapport Tamino, est totalement ignoré. Le Parlement européen a donc
refusé d’adopter une directive au rabais, laissant donc comme seule réfé- rence
européenne la recommandation de la Commission…
Le décret Jospin
La France est un des seuls pays européens où les chiffres de la recommandation
de la Commission européenne, pourtant non juridiquement contraignante, sont
repris tels quels. Le décret du 3 mai 2002 du gouvernement Jospin a donc
transposé en droit français les valeurs plafond à ne pas dépasser de 41 V/m
(pour les fréquences de 900 MHz), 58 V/m (pour les fréquences de 1800 MHz) et
61V/m (pour les fréquences UMTS de 2200 MHz).
Ce décret pris dans la précipitation juste avant la disparition du gouvernement
présente plusieurs caractéristiques regrettables. Tout d’abord, il oublie tout
simplement qu’existe une loi française antérieure, de pleine validité légale et
non abrogeable, qui elle-même transcrit une directive européenne qui fixe un
seuil indépassable à 3 V/m, pour la protection du matériel électronique contre
les perturbations électromagnétiques. La légalité française est donc pleinement
contradictoire, mais pour le bien de l’Industrie. (7) Notons que si le décret de
mai 2002 était attaqué auprès de la cour européenne de justice, il serait
nécessairement invalidé… après probablement plusieurs années de procédure.
Néanmoins, dans la pratique, toute personne ou collectivité concernée par
l’implantation d’une antenne peut exiger l’application du texte européen et donc
le respect de la valeur limite de 3 V/m.
Enfin, le décret de mai 2002 passe par pertes et profits deux propositions de
loi parlementaires, l’une du Parlement (et notamment de Jean-François Mattei qui
deviendra ministre mais oubliera son propre projet de loi) et l’autre du
Sénat... mais c’est pour le bien de l’Industrie. Ce décret piétinant
tranquillement tout souci de la santé publique n’a pas été signé par le ministre
de l’Environnement.
La Charte de la Ville de Paris
La Charte de la Ville de Paris établit une intensité maximale à 2 V/m maximum,
contre au mieux 41 V/m du décret Jospin précité. La limite d’exposition semble
donc vingt fois inférieure au décret national. Mais... le chiffre de 2 V/m
retenu est défini comme une moyenne sur 24h, ce qui laisse subsister les pics
d’intensité c’est à dire la toxicité.
L’intervention du professeur Stewart au Royaume-Uni
Le 11 janvier 2005, Sir William Stewart a présenté à la presse un nouveau
rapport actualisant son premier rapport remis en 2000. Alors président du
National Radiological Protection Board (NRPB), organisme d’Etat employant 2 700
personnes, conseiller du gouvernement britannique, il s’agit d’une autorité
incontestable. Dans sa conférence de presse, il a déclaré que les preuves
d’effets potentiellement nocifs des téléphones portables sont devenues de plus
en plus convaincantes ces cinq dernières années. Son affirmation : « Je ne pense
pas que l’on puisse dire que les téléphones portables sont sans dangers » a
provoqué un début de panique dans l’industrie. Il y a de quoi, car il s’agit de
la première reconnaissance officielle de la toxicité de la téléphonie mobile.
L’exposé des motifs du projet de loi français cité ci-dessus cite expressément
les quatre études clés mentionnées par le professeur Stewart : concernant les
riverains d’antennes, une étude réalisée à la demande du gouvernement hollandais
a mis en évidence des perturbations sur l’organisme humain à partir d’une
exposition courte (3/4 d’heure) à un champ électromagnétique très faible (0,7
volt/mètre), ces effets étant encore plus rapides et manifestes pour les
fréquences UMTS. Plus récemment, une étude suédoise, réalisée dans le cadre
d’une vaste enquête menée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS),
montrait qu’au-delà de 10 ans d’utilisation du téléphone portable, les risques
de tumeur du nerf auditif sont multipliés par quatre. Plus récemment encore, les
résultats du programme de recherche européen REFLEX (12 équipes de recherche
dans 7 pays d’Europe) confirment que les ondes de la téléphonie mobile provo-
quent des ruptures dans la chaîne de ADN. A tout ceci s’ajoute l’enquête
sanitaire menée par des médecins allemands autour d’une station de base qui
conclut à une prévalence des cas de cancers autour de cette station.
Le rapport de l’IDEA en Irlande
En février 2005, l’association des médecins irlandais pour la protection de
l’environnement (IDEA) a clairement énoncé le problème : une partie de la
population pourrait être très sensible aux champs électromagnétiques. Ces
personnes sont dites « électro-sensibles » et l’importance de cette population
n’est pas connue. L’expansion de la téléphonie mobile revient à réaliser une
inacceptable expérience grandeur nature sur des êtres humains. (8)
Principes généraux
Il y a consensus sur le fait que les effets des champs électromagnétiques sur
le vivant existent. Le dernier avis de I FSSE affirme ainsi« qu’il existe des
effets biologiques des téléphones portables ». L’agence se permet d’ajouter que
« ce ne sont pas des effets sanitaires » alors même qu’elle qualifie les recher-
ches actuelles« d’insuffisantes » et invite à prendre des« précautions
supplémentaires » : comprenne qui pourra. (9)
Ces effets sur le vivant s’expliquent par le fait que toute structure vivante, à
tous les niveaux d’organisation, repose sur des champs électromagnétiques dont
dépendent toute liaison et toute cohérence. Au niveau moléculaire, les
intensités électromagnétiques sont infimes mais néanmoins déterminantes. Tout
processus vivant, à tous ses niveaux d’organisation, est conduit par des
émissions électromagnétiques qui déterminent tout échange de substances
biochimiques. Au niveau moléculaire, les intensités de champs sont si faibles
qu’elles sont à la limite des appareils de mesure actuels. C’est néanmoins sur
elles que toute activité est fondée. En particulier, ADN fonctionne comme
émetteur/récepteur électromagnétique tant pour ses relations internes
qu’externes. Les travaux de Fritz Popp confirment tout cela avec précision. (10)
Toxicité
Les causes de toxicité pour le vivant, exposées par les publications des
scientifiques indépendants internationaux, résident dans la structure physique
des émissions.
– Les bandes d’hypèrfréquences utilisées, dites porteuses, comportent une
toxicité de base. Et pour cette raison, elles ont été abandonnées par l’année
(11) ; ce qui les a rendues disponibles pour l’industrie.
– Les émissions comportent des fréquences de récurrence en très basses
fréquences toxiques, notamment par résonance avec les rythmes cervicaux
répertoriés sur les électroencéphalogrammes. Ceci est mentionné dans le rapport
de 11\FSSE. Les extrêmement basses fréquences jusqu’à 300 Hz) ont été classées,
en juin 2002, après bien des années de débat, dans la catégorie « potentiellement
cancérigène » par l’Organisation mondiale de la santé.
– Le coefficient majeur de toxicité réside dans les pulsations. Les émissions de
la téléphonie mobile ne sont pas émises de façon continue mais pulsées, c’est à
dire découpées en micro- saccades. Or depuis trois milliards et demi d’années,
les êtres vivants fonctionnent en résonance avec des émissions
électromagnétiques naturelles dont la structure est régulière et continue. Tout
vivant est composition d’ordres de divers niveaux. Ce qu’apportent les
pulsations est le désordre ; un désordre total ! Il suffit à désorganiser non
seule- ment les fonctionnements physiologiques mais même les structures
moléculaires.
De ces agressions biologiques il résulte des pertur- bations physiologiques
primaires. Les principales perturbations constatées sont (12) :
1. Perte d’étanchéité de la barrière entre sang et cerveau. Résultat : des
produits toxiques pour les tissus du cerveau y pénètrent.
2. Diminution de production de la mélatonine, hormone du cerveau produite par
l’épiphyse qui régule, entre autres, quelques rythmes physiolo- giques primaires
dont le sommeil ainsi que le taux de radicaux libres, actifs dans le blocage du
démar- rage des processus cancéreux. Résultat : perturba- tions physiologiques
diverses suite aux troubles du sommeil, fragilité accrue aux démarrages des
cancers.
3. Perturbations des régulations membranaires des cellules. Résultat :
perturbation des processus physiologiques au niveau élémentaire des cellules,
notamment de ceux de la respiration et de la nutrition.
4. Dommages génétiques. Ils résultent de ruptures de fragments d1\DN assez
importants pour que les processus naturels d’autoréparation ne soient plus
opérants. Résultat : les dommages génétiques sont multipliés au même rythme que
les cellules endommagées.
Des pathologies extrêmement variées peuvent découler de toutes ces
perturbations, des maux de tête à l’eczéma en passant par les troubles du
sommeil ou la baisse de la vue.
La solution : une limite maximale de 0,6 V/m
Des scientifiques internationaux indépendants ont fixé à 0,6 V/m pour la seule
téléphonie mobile le seuil d’exposition compatible avec la santé publique. Leurs
travaux ont conduit le Parlement européen à demander un seuil d’exposition de 1
V/m, toutes émissions confondues. C’est enfin ce que deux groupes politiques
(Verts et PC) du Conseil de Paris ont récemment demandé et que l’on retrouve
dans proposition de loi précitée. Mentionnons que de l’aveu même d’un certain
nombre de représentants des opérateurs, il est parfaitement possible, sur le
plan technique, de faire face à une réglementation imposant 0,6 V/m.
L’association Robin des Toits n’a pas pour objectif la disparition de la
téléphonie mobile, mais d’obtenir une modification de la réglementation qui la
rende compatible avec la santé publique. C’est à dire un seuil d’exposition de
0,6 V/m pour la téléphonie mobile seule, les autres contributeurs étant hors de
ce seuil. Sur le plan technique, cette solution est viable comme le montre
l’exemple de la Toscane, région d’Italie qui a limité l’exposition du public à
0,5 V/m, ou encore la ville de Salzbourg à 0,6 V/m.
Notes
(1) Le délégué général de I OM, 6 février 2004. Courrier adressé aux
Associations« Agir pour l’environnement » et Priartem, à l’at- tention de
monsieur Stephen Kerckhove. Disponible sur le site www.afom.fr
(2) Cf le dossier sur l’énergie de L’Ecologiste n°11, Octobre 2003.
(3) Citons l’enquête sanitaire sur les pathologies bovines due aux antennes
implantées sur des étables parue en 1998 à l’initiative et sous la
responsabilité du gouvernement Bavarois, concernant des élevages à Schnaitsee.
Voir www.elektrosmognews.de
(4) Assemblée nationale, proposition de loi présentée par les députés
Jean-Pierre Brard, Christian Decocq, Joël Giraud, Pierre Goldberg, Nathalie
Kosciusko-Morizet, Maurice Leroy, Nicolas Perruchot, Chantal Robin-Rodrigo,
enregistrée à la présidence de l’Assemblée le 13 juillet 2005.
(5) Gianni Tamino, Rapport sur la proposition de recommandation du Conset7
relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques
(0 Hz-300 GHz), 25 février 1999.
(6) International Commission on Non-Ionizing Radiation Protection. Voir :
www.icnirp.de
(7) Les directives européennes sur la compatibilité électroma- gnétiques
89/336/CEE et 92/3VCEE et leurs textes d’applica- tion EN 50081-1 et EN 55022,
EN 50082-1 ET EN50204, EN 61000-6-1 et EN61000-4-3 ont été dûment transposés en
droit français.
(8) www.ideaireland.org
(9) www.afsse.fr
(10) La biologie de la lumière, Marco Pietteur éditeur, 1989.
(11) André Cicolella et Dorothée Benoît Browaeys, Alertes santé, Fayard, 2005,
p. 143-144.
(12) On trouvera de nombreuses références détaillées à des travaux scientifiques
dans Votre GSM Votre santé, on vous ment, Marco Pietteur éditeur, 2004.
Bibliographie
Votre GSM. Votre santé, on vous ment, Marco Pietteur éditeur, Embourg
(Belgique, Tél. +32 (0) 4 365 27 29. www.marcopietteurediteur. com), 2004.
Voilà un livre sérieux, dont le contenu ne correspond pas à la couverture
quelque peu racoleuse. Signé par quatre spécialistes (les. docteurs Le Ruz,
Santini, Gautier et le professeur Oberhausen), il s’agit du livre le plus
complet sur la question avec de nombreuses références scientifiques.