POUR EN FINIR AVEC LE CHÔMAGE
ET L’INSECURITE SOCIALE

«  Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé.  »
François Mitterand (1993)

  AVANT-PROPOS

Ce titre peut surprendre ou apparaître présomptueux surtout au moment où plusieurs études prospectives prétendent qu’un tiers des emplois vont disparaître d’ici 10 ans en raison de l’automatisation, de la robotique et de l’intelligence artificielle. Cela fait maintenant des décennies que notre pays connaît un taux de chômage élevé qui s’est amplifié avec la survenue de ce qu’il est convenu d’appeler la crise de 2008. Et la situation va s’aggraver... si on ne tente rien.

A-t-on vraiment tout essayé contre ce fléau social qu’est le chômage qui affecte des millions de personnes, de familles et menace nombre d’entre nous telle une épée de Damoclès ? Des commentateurs, des politiques et des économistes médiatiques nous disent que davantage de flexibilité constituerait un remède contre le mal. Mais les chiffres réels du chômage en provenance des pays qui ont appliqué les mesures qu’ils préconisent, tels les États-Unis [1], l’Angleterre [2] ou même le Danemark [3] nous montrent que les succès qu’ils veulent y voir sont complètement illusoires.

Les vieilles recettes libérales brandies comme des étendards ne nous sont plus d’aucune utilité. Et nous avons de quoi être surpris par l’attitude de ceux qui prônent l’innovation et le changement et qui se trouvent dans l’incapacité de modifier leur regard sur le monde tel qu’il est devenu. Les phénomènes actuellement à l’œuvre leur échappe car ils refusent l’idée même de la fin d’un modèle économique devenu obsolète. Contrairement à ce qu’ils nous assènent, le problème de l’emploi n’est pas spécifique à une société française prétendument bloquée et arc-boutée sur ses acquis sociaux. Il touche, de fait, l’ensemble des pays dits développés.

Afin de comprendre les tendances en cours, nous poserons un diagnostic sur les causes du chômage de masse et son aggravation. Dans un deuxième temps, nous concentrerons notre analyse sur un territoire particulièrement frappé par la crise économique. Puis nous aborderons la solution que nous préconisons et formulerons des propositions concrètes dans le cadre de l’expérimentation sociale des territoires.

Que l’on interprète la crise actuelle comme un cycle économique qui s’achève, une grande stagnation, la fin du capitalisme ou un pré-effondrement global n’affecte pas la nature de nos propositions qui sont transitoires et peuvent être mises en pratique quelque soit l’analyse que l’on fasse de la situation.

Dans tous les cas, nous avons à faire face à une situation inédite qui nécessite d’effectuer un pas de côté. C’est à cet exercice que nous convions maintenant le lecteur [4].

 I. SUR LES CAUSES DU CHÔMAGE DE MASSE

Dans le cadre actuel, le chômage résulte du sous-emploi de la main d’œuvre disponible dans la population. Nous l’interprétons avant tout comme la conséquence d’une crise du déversement et d’une modification de la division internationale du travail.

De moins en moins de temps de travail est nécessaire pour produire une même quantité de biens et de services. En France, la productivité a doublé entre 1820 et 1960, puis a été multipliée par 5 depuis 50 ans. C’est pour cette raison que la population agricole a nettement diminué et que la libération d’une main d’œuvre abondante a été massivement employée dans le secteur secondaire (l’industrie) puis dans le secteur tertiaire (les services).

Un phénomène lié à cette évolution a été conceptualisé par l’économiste Alfred Sauvy sous le terme de déversement. Ce dernier possède la particularité de créer des emplois plus qualifiés et mieux rémunérés que les emplois détruits par les gains de productivité, ce qui a pour effet d’augmenter les revenus et la demande. En 1800, les deux-tiers de la population active étaient employés dans l’agriculture. Cette part n’a fait que décroître depuis pour ne plus en représenter aujourd’hui qu’environ 3% [5]. L’industrie qui employait 20% de la population active en 1800 a connu un essor considérable puisqu’elle en employait le tiers en 1900. Cette proportion a stagné jusqu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. L’emploi industriel connaîtra son apogée au milieu des années 70 puis déclinera ensuite pour ne plus représenter actuellement qu’un quart des emplois. Les services représentaient quant à eux 15% des emplois en 1800, 28% en 1900, un tiers vers 1936 contre 77% aujourd’hui. La tertiarisation des activités n’existe dans ces proportions que dans les pays développés qui consomment énormément d’énergie par habitant.

Évolution de la répartition de la population active en France par secteurs d’activité :

AnnéesPrimaireSecondaireTertiaire
1800 65 % 20 % 15 %
1900 40 % 32 % 28 %
1936 33 % 33 % 33 %
1973 11 % 38 % 51 %
2010 3 % 20 % 77 %

Un Français travaillait en moyenne deux fois plus en 1900 qu’aujourd’hui [6] pour une production beaucoup plus faible. Cette évolution est fort bien illustrée par un exemple de la vie courante : « Si on achète une machine à laver qui coûte à peu près 150 heures de travail moyen, on économise environ 200 heures de travail par an ; le temps d’amortissement d’une machine étant 5 ans, on dépense 150 heures de travail pour économiser 1000 heures de travail domestique [7]. » Ce temps libéré du travail a des répercutions majeures sur l’ensemble de la société.

Les gains de productivité et le déversement constituent la dynamique de la société de croissance. Toutefois, celle-ci fonctionne convenablement tant que la croissance économique augmente plus rapidement que la productivité. Quand ce n’est plus le cas, les gains de productivité entraînent le chômage. La troisième révolution industrielle, avec l’essor des nouvelles technologies liées à l’informatique et la mondialisation de l’économie avec la concurrence des pays à bas coût de main d’œuvre ont provoqué un blocage de l’économie. Ces deux facteurs ont été identifiés il y a 30 ans par le courant critique du développement sous les termes d’auto-asphyxie du mode de production et de fin du monopole du travail productif [8]mais ils produisent leurs effets les plus terribles depuis l’entrée dans le nouveau millénaire.

Le progrès technique en particulier dans l’informatique et l’organisation du travail tend à augmenter la productivité dans le domaine des services. Bien entendu, certains d’entre eux échappent à cette logique. Médecins, psychologues ou coiffeurs ne peuvent augmenter leur productivité comme le font les banquiers, les comptables ou l’administration. Mais globalement les emplois détruits ne sont pas remplacés par d’autres. Il existe donc une crise du déversement. Aux États-Unis, des millions d’emplois ont été crées dans ce qu’on pourrait appeler le « secteur quaternaire [9] » composé de petits boulots non qualifiés à bas salaire.

L’industrialisation économise du temps de travail. Ce dernier est ré-employé pour produire des richesses supplémentaires. On appelle cela la substitution productive. Le nouveau déversement vers le « quaternaire » n’est pas de ce type. On a affaire à une substitution équivalente et non plus à une substitution productive. C’est à dire que les personnes les plus aisées peuvent se permettre d’économiser du temps en payant des personnes pour effectuer certaines tâches qu’elles pourraient faire elles-mêmes en y passant le même temps. Promener les chiens, faire les courses, tondre le gazon ou faire le ménage ne créent pas d’emplois qui augmentent la richesse produite.

L’intégration économique toujours plus poussée – la mondialisation – a exacerbé la concurrence entre les travailleurs et a eu pour effet de déformer la répartition des revenus [10]. Si les catégories socioprofessionnelles élevées ne subissent pas trop cette concurrence, les classes populaires en souffrent énormément. Tandis que l’avocat, le médecin, le journaliste de renom ou l’homme politique sont à l’abri de la guerre économique mondiale, les paysans, les ouvriers de l’industrie et, de plus en plus, les employés des services la subissent. Cela explique d’ailleurs la fracture entre les élites et les classes aisées d’une part et les classes moyennes et populaires d’autre part. Les premières sont ménagées et profitent de la globalisation tandis que les secondes y sont directement exposées. Dans une logique d’intérêt de classes, il n’est pas surprenant que les unes souhaitent l’ouverture des frontières alors que les autres demandent protection.

On a vu apparaître ces dernières années, une nouvelle division internationale du travail dont les populations des pays développés sont les grandes perdantes [11]. Jusque dans les années 80/90, la dualité existait à l’échelle mondiale avec des zones développées et des zones sous-développées. Elle se manifeste désormais au sein des nations les plus riches.

En 2010, la part de la production industrielle des pays émergents a franchi la barre des 50% alors qu’elle n’était que de 35% en 2000. Au cours de cette décennie, la part des États-Unis et de l’Europe est passée de 40 a 18%. Il faut bien se rendre compte des conséquences de cette évolution : il n’y a plus de raison pour que les moins productifs d’entre nous puissent bénéficier d’un régime de faveur par rapport aux moins productifs des pays pauvres. Selon un rapport au gouvernement [12], nous n’avons que deux solutions possibles pour nous en sortir : l’innovation et la course en tête ou l’alignement sur les salaires les plus bas [13]. Les deux solutions ne sont d’ailleurs pas exclusives l’une de l’autre. La première concernant la partie haute de la population et la seconde sa partie basse. Mais penser que nous pourrions nous sortir d’affaires par une plus grande sophistication technique de nos productions est un leurre, surtout si l’on considère que les activités humaines se heurtent à des limites physiques.

La structure pyramidale assez stable des sociétés développées fait place à une structure en forme de sablier où le dualisme entre riches et pauvres caractéristique des pays du Tiers-monde s’installe [14].

Dans les pays occidentaux, le taux de croissance de l’économie baisse significativement depuis 50 ans et tend désormais vers zéro. Cependant, de nombreux économistes interprètent la « crise » actuelle comme l’avènement d’un nouveau cycle qui ouvrirait une période de prospérité. Le capitalisme a connu de nombreuses crises dans le passé, mais sa formidable capacité d’adaptation et le recours à une énergie abondante lui ont toujours permis d’enchaîner de nouveaux cycles de croissance, parfois dans la douleur (Seconde Guerre mondiale). Si ces cycles ont été mis en évidence par Nicolaï Kondratiev, c’est Joseph Schumpeter qui a souligné le rôle primordial que jouait le progrès technique dans ces processus.

En effet ces cycles ont toujours reposé sur de nouvelles énergies et/ou de nouvelles infrastructures :

1780-1830 : croissance grâce à la machine à vapeur et au métier à tisser.

1830-1880 : le chemin de fer, le charbon et des progrès dans l’extraction des métaux permettent la relance.

1880-1930 : l’électricité, le moteur à explosion et la chimie occasionnent la reprise.

1930-1970 : le pétrole et le moteur électrique (ainsi que la reconstruction) permettent le démarrage d’un nouveau cycle exceptionnel.

1970 à nos jours : informatique, biotechnologies... mais l’effet attendu n’est pas au rendez-vous.

Au contraire, les emplois du tertiaires sont maintenant menacés par l’automatisation et l’intelligence artificielle. Des « machines intelligentes peuvent assurer une grande variété de tâches, physiques et à caractère intellectuel. En plus d’effectuer une sélection parmi des options multiples, elles peuvent désormais analyser des textes non structurés. Cette capacité cognitive va s’adapter à différents domaines et industries, de l’énergie à la finance. Résultat, de nombreuses tâches effectuées aujourd’hui par des cols bleus et des cols blancs seront réalisées, demain, par des robots ou agents virtuels [15]. » D’ici 10 ans, 3 millions d’emplois touchant tout autant les classes moyennes, les emplois d’encadrement et les professions libérales que les métiers manuels pourraient avoir disparu dans notre pays [16]. Et selon une étude publiée outre-manche, environ 35% des postes existants actuellement au Royaume-Uni risquent d’être remplacés par des robots ou des machines, ce qui représente 10 millions d’emplois [17].

 II. LE CAS DU BASSIN D’EMPLOI DE MONTARGIS

Avant même d’être confrontés au plus dur de la mutation qui débute, nous constatons que tous les territoires ne sont pas égaux devant le chômage. Les chiffres indiquent que le Loiret s’en tire plutôt mieux que d’autres départements. Fin 2012, alors que le taux de chômage était de 12,70% en France métropolitaine, il était de 12,10% dans notre département. Mais les moyennes sont trompeuses et ne rendent pas compte des difficultés particulières rencontrées dans certaines zones. Ainsi, ce taux était de 15,20% dans le bassin d’emploi de Montargis [18] avec des pointes à 27,80% à Montargis et 25,50% à Chalette sur Loing. Ces chiffres proviennent du recensement de l’INSEE et sont différents de ceux publiés par Pôle Emploi. Toutefois, notre propos n’est pas de discuter de l’exactitude du chiffres, mais d’effectuer des comparaisons et d’examiner des tendances. On note que le bassin d’emploi de Montargis a été particulièrement affecté par la crise. Alors que le recul du chômage au début des années 2000 lui avait été profitable et que son taux de chômage était alors revenu au même niveau que celui de la Région Centre Val de Loire, le Gâtinais a de nouveau décroché en 2004 puis plus significativement à partir de 2009. Nous devons avant tout retenir que dans un classement des 304 zones d’emploi de France métropolitaine effectué en fonction du taux de chômage, celle de Montargis occupait fin 2015 la 30ème place ! Notre territoire est donc gravement sinistré et la tendance est très préoccupante puisque le nombre de chômeurs (au sens de Pôle Emploi) a progressé de 67 % entre 2008 et 2015 (passant de 8,1 % à 13,5%).

Les chiffres du chômage ont bien évidement des effets sur le niveau des revenus et le taux de pauvreté comme l’indique le tableau suivant :

2012France métropolitaineLoiretZone d’emploi de MontargisMontargisChalette
Part des ménages fiscaux imposés 64,00 % 67,40 % 62,70 % 50,00 % 50,90 %
Taux de pauvreté 14,30 % 12,20 % 14,90 % 30,50 % 30,20 %
Taux de pauvreté des moins de 30 ans 21,90 % 20,20 % 23,80 % 36,10 % 43,10 %
prestations sociales/revenus 5,00 % 4,80 % 5,30 % 10,10 % 10,80 %

Le taux de pauvreté des jeunes sur notre territoire est une ignominie mais certainement pas une fatalité face à laquelle nous serions désarmés.

Cette situation catastrophique a des origines profondes liées à l’histoire et à la géographie. Les revenus perçus par les salariés gâtinais sont supérieurs à la production économique de leur lieu de résidence notamment parce que nombre d’entre eux travaillent en région parisienne. L’attraction de l’île de France est de plus en plus forte. Les salariés employés en région parisienne étaient au nombre de 5700 en 2010 contre 4800 dix ans plus tôt.

Cette faiblesse économique du territoire se manifeste par l’insuffisance de postes hautement qualifiés et par la « fuite des cerveaux » que cela entraîne. De nombreux habitants sont contraints de quitter notre territoire ou d’aller travailler ailleurs tout en y demeurant. Ce phénomène a tendance à s’accentuer. En effet, 21% des salariés du bassin d’emplois de Montargis travaillent hors zone. En contre-partie 12% des emplois sont occupés par des personnes résidents hors de la zone (c’est un des plus faibles taux de la Région Centre Val de Loire). En 2010, 10 384 actifs résidents allaient travailler hors de la zone d’emploi de Montargis et 4 740 actifs extérieurs venait y travailler. La zone de Montargis est donc marquée par un fort déséquilibre des migrations domicile-travail : les sorties d’actifs sont 2,2 fois plus nombreuses que les entrées. Ce déséquilibre s’est renforcé entre 1999 et 2010 : on comptait en effet 8 340 actifs sortants et 4 440 actifs entrants en 1999. Ainsi, le solde déficitaire des entrants-sortants est passé de 3 900 en 1999 à 5 644 en 2010. En 2010, 7 202 habitants de la zone travaillaient dans une autre région (principalement l’île de France). En 2012, ils étaient 7 952, soit 750 de plus ! En 2007, 6 153 montargois travaillaient, mais ils n’étaient plus que 4 674 en 2012, c’est à dire 25 % de moins !

Le niveau d’étude des habitants du Gâtinais confirme ce que montrent le taux de chômage et les revenus. Le nombre de personnes n’ayant aucun diplôme y est plus fort qu’ailleurs tandis que les diplômes de l’enseignement supérieur est très bas [19]. Nous notons d’autre part que les personnes âgées y vivent en proportion plus importante qu’ailleurs. Ces caractéristiques indiquent que notre territoire ne dispose pas des atouts dont peuvent disposer d’autres régions pour vaincre la bataille de l’emploi. Très clairement, notre territoire ne deviendra pas un pôle d’excellence de l’économie de la connaissance.

Zone géographiqueProportion de personnes sans diplômeProportion de personnes diplômées de l’enseignement supérieurProportion des personnes âgées de plus de 60 ans
France métropolitaine 17,60 % 27,20 % 21,70 %
Loiret 17,60 % 24,80 % 21,40 %
Zone emploi Montargis 19,90 % 17,40 % 26,30 %
Montargis 23,60 % 19,20 % 23,90 %
Chalette sur Loing 33,40 % 11,50 % 25,30 %

Comme on pouvait s’y attendre, la répartition des inactifs est très différente de la moyenne. Alors qu’à l’échelon nationale, les élèves représentent 10,8% de la population totale et les retraités 8,3% et qu’au niveau départementale nous sommes dans les mêmes ordres de grandeur (10% et 8,6%), ces taux sont inversés dans le Gâtinais, les élèves étant moins nombreux que les retraités (7,9% contre 10,3% ). On note également que les pensions et retraites représentent 30% de l’ensemble des revenus contre 26,6% pour la Région Centre Val de Loire.

Le manque de vitalité de la région se lit aussi à travers l’évolution de la population. Dans l’arrondissement de Montargis, les plus de 65 ans représentent 23% de la population (contre 19,1% en France et 18,6% dans le Loiret). Si le taux de mortalité est de 8,8‰ en France et de 8,6‰ dans le Loiret, il est de 11,1‰ dans le Gâtinais. On retrouve ce déséquilibre pour la natalité. Alors que le taux de natalité est de 12,8‰ en France, de 13‰ dans le Loiret, il est de seulement 11,9 ‰ sur le territoire. L’essentiel de l’augmentation de la population provient de nouveaux habitants entrant sur le territoire.

Comme nous l’avons vu, le Gâtinais subit l’influence de la région parisienne et il est difficile de dire si cette proximité est un avantage ou un inconvénient ; probablement un mélange des deux. Ce phénomène n’est pas propre à notre région, mais il est évident que le pôle de Paris ne permet pas l’émergence d’autres pôles dans sa zone d’attraction, d’autant qu’il est l’un des plus attractifs d’Europe. La région parisienne regroupe en effet 18,5% de la population française et génère près de 29% du PIB métropolitain. Un tiers des 500 plus grands groupes mondiaux y possèdent un siège social. 36% des cadres et près de 37% du personnel de la recherche publique travaillent en Île de France. Cette influence se décline dans le Gâtinais de plusieurs manières : par les déplacements domicile-travail comme on l’a vu, mais aussi par le type d’économie qu’engendre la venue des Franciliens.

On considère généralement la santé d’une économie en fonction de ses capacités productives. Si cela est vrai d’un point de vue macro-économique, il faut être plus nuancé quand on aborde cette question sous un angle micro-économique comme nous le faisons ici. « A l’échelle d’un territoire, ou d’un bassin d’emplois, on constate que la capacité d’une région à capter les revenus de ceux qui produisent ailleurs est importante pour son économie [20]. » Une économie très productive comme celle de l’île de France, voit ainsi 30 milliards d’euros de revenus dépensés hors de son territoire. Les régions touristiques ne sont pas les seules à profiter de cette manne. Les territoires ruraux situés à proximité de Paris comme le nôtre en bénéficient également, notamment par l’intermédiaire des habitants des résidences secondaires.

Des recherches ont mis en évidence qu’en moyenne le taux de pauvreté est beaucoup plus élevé – de l’ordre de 40 % – dans les zones dont le développement est fondé sur la base résidentielle que dans celles qui sont les plus productives. On note également que les postes d’employés peu qualifiés sont plus nombreux dans les zones d’emplois dont la base est à dominante résidentielle.

Le Gâtinais conserve malgré tout des secteurs d’activité de production de biens (agriculture, industrie et construction) supérieurs aux moyennes départementales et nationales, mais l’évolution récente indique une dégradation à ce niveau.

Chacun entend parler de désindustrialisation de la France, mais les proportions ne sont pas toujours bien connues ; c’est pourquoi il faut s’attarder sur ce phénomène et examiner les évolutions intervenues au cours de la dernière décennie. Commençons par l’agriculture dont il est généralement assez peu question dans le discours public. Ce secteur est important pour satisfaire nos besoins primaires mais n’est pas négligeable en terme économique étant donné qu’une partie du tissus industriel en dépend. En 1999, les agriculteurs représentaient 4% de la population active du pays. Neuf ans plus tard, ils ne sont plus que 3% ! Le recul enregistré dans la zone d’emploi de Montargis est encore plus fort. On passe de 5,3% à 3,9%. Au moment où la relocalisation de la consommation alimentaire fait débat, cette tendance est plutôt inquiétante.

Actuellement, les pouvoirs publics accompagnent le déclassement social par les dispositifs d’aide aux personnes et aux familles en difficulté passagère ou non.

Nous pensons que les élus et la population doivent désormais se mobiliser et se situer au cœur de la dynamique économique, non pas en s’efforçant d’attirer des investisseurs ou en créant des pôles de compétitivité, mais en ayant pour objectif la satisfaction des besoins des populations et la reconnaissance de chaque citoyen.

Nous devons créer de nouveaux leviers. Il n’est plus admissible de laisser des populations entières sombrer sans prendre des initiatives pour y remédier et bien intégrer le fait qu’avec les mutations en cours, chacun est menacé même s’il est diplômé [21]. Afin d’assurer la cohésion et la sécurité sociale, il est nécessaire de choisir l’audace et ceci d’autant plus que les chômeurs ont désormais peu de chance de retrouver un emploi [22]. Les collectivités locales pourraient avoir pour objectif de favoriser les conditions de la résilience. A l’avenir, sauf à échouer, les municipalités, et à fortiori les capitales régionales, ne pourront plus se contenter de préserver l’emploi. Elles devront le créer en passant d’une stratégie défensive à une stratégie offensive. Le concept d’État Employeur en dernier ressort ne constitue-t-il pas dans ce cadre le meilleur levier dont nous disposons ?

 III. L’ETAT EMPLOYEUR EN DERNIER RESSORT

Depuis 2008, les pays industrialisés sont touchés par un chômage endémique qui ne cesse de progresser. Les personnes privées d’emploi, surtout quand leur situation perdure, perdent confiance en elles, connaissent le déclassement, la désespérance et ne peuvent assurer un avenir à leur famille. On parle parfois à leur propos de ’mort sociale’. Ce phénomène est aggravé du fait que les chômeurs sont souvent considérés comme uniques responsables de leur sort, ce qui constitue une humiliation supplémentaire. Combien de fois n’a-t-on pas entendu que celui qui cherche vraiment du travail en trouve ?

Le gâchis humain est énorme. Il touche parfois, comme en Grèce, au Portugal et en Espagne, une génération entière qui ne trouve pas sa place dans la société, qui n’a pas les moyens de s’installer et de vivre sa vie. Alors que le travail est central dans les sociétés développées, il se fait rare, ce qui est dramatique. Tous les gouvernements affirment faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre un terme à cette ignominie. Le moins qu’on puisse observer, c’est que les résultats sont médiocres.

Le droit au travail est pourtant inscrit dans le préambule de la constitution française de 1946 repris dans celle de 1958 qui précise que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi » ainsi que dans la déclaration universelle des droits de l’Homme qui stipule (article 23) que « toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage. » Ce droit au travail n’est manifestement pas respecté et n’est pas prêt de l’être. Faut-il s’en accommoder pour autant ?

Face à ce drame social qui touche tant d’individus et de familles, certains économistes proposent une réduction du temps de travail. Ils s’inscrivent dans une logique historique qui nous enseigne qu’en raison des gains de productivité le temps de travail doit baisser afin de garantir un maximum d’emplois. Effectivement, si le temps de travail était aujourd’hui le même qu’à la fin de la seconde guerre mondiale, le nombre de chômeurs serait multiplié par deux. Si la tendance observée depuis 70 ans devait se poursuivre, une réduction importante de la durée légale du travail constituerait une solution à mettre en œuvre.

Nous estimons que ce n’est pas le cas, qu’une rupture va se produire prochainement dans la mesure où les gains de productivité vont baisser en raison de leur subordination à la consommation d’énergie, une consommation qu’il faut absolument réduire drastiquement en raison des conséquences écologiques et climatiques qu’elle induit. La réduction du flux d’énergie dans l’économie va entraîner des effets négatifs sur la productivité du travail. Mais en attendant ce retournement, il est nécessaire de prendre des mesures afin d’éviter ce drame de masse que constitue le chômage, de former les individus à de nouveaux métiers et d’assurer une utilité et une intégration sociale au plus grand nombre.

Nous nous situons dans une période particulière où la production économique nécessite de moins en moins de main d’œuvre alors que nous aurons besoin de tous dans quelques années. Dans cette perspective, le concept de « l’État employeur en dernier ressort » (EDR), théorisé par des économistes post-keynesiens [23] revêt un grand intérêt. Ces économistes, sensibles aux cycles économiques, estiment que, le secteur privé se révélant incapable d’employer toute la main d’œuvre présente sur le marché du travail lors des périodes de crise, l’État devrait jouer un rôle de régulateur. Dans leur esprit, l’État doit fournir un emploi aux chômeurs tant que dure la crise, le secteur privé devant recruter les chômeurs lorsque la reprise de la croissance se manifeste. Ils estiment également que les personnes privées d’emploi et embauchées par l’État stimulent la demande de biens et services, ce qui atténue la crise économique et facilite la reprise.

Afin de remplir leur fonction, les emplois relevant de l’EDR ne doivent pas nuire aux emplois existants. C’est pourquoi il faut veiller à ce qu’ils n’entrent pas en concurrence ni avec le secteur privé, ni avec le secteur public. Sinon, le marché du travail serait gravement perturbé et les revenus des salariés en place affectés. Seule une étanchéité entre ces emplois et ceux des deux autres grands secteurs serait en capacité de produire des effets très positifs pour tous. Il sera par conséquent indispensable de les définir avec la plus grande précision.

Ces emplois viseront essentiellement à effectuer des tâches qui ne sont pas accomplies par les secteurs public et privé : restauration des milieux naturels (forêts, sols, zones humides, reboisement de villes, réhabilitation de zones urbaines...), culture de plantes destinées à favoriser les insectes pollinisateurs, construction de lignes de chemins de fer locales, collecte du phosphore, accompagnement scolaire, etc. Nous nous trouvons dans une situation paradoxale où de vastes chantiers sont à la fois indispensables pour notre avenir et complètement ignorés par le marché et les services publics. N’oublions pas que les territoires devront former à terme plus de 15% de leur population active à des emplois agricoles. C’est pourquoi les pépinières d’exploitation agricoles pourraient également rentrer dans ce cadre là.

Ces emplois auraient une grande utilité et seraient reconnus. Leur création permettrait également aux salariés de ne plus avoir peur du licenciement, du déclassement, de la honte sociale et du regard des autres. L’impossibilité de se projeter dans l’avenir qui nous paralyse serait bannie. Les difficultés posées par les défis à relever sont si importants qu’on ne saurait tolérer plus longtemps la présence de la peur, du sentiment d’impuissance et de souffrances inutiles au sein de la société.

Les emplois relevant de l’EDR, non soumis à une forte exigence de productivité, ne devront être attribués que sur la base du volontariat. Ainsi, seuls ceux qui les refuseraient seraient privés de travail. Les personnes qui accepteraient ces emplois ne seraient plus indemnisées mais percevraient un salaire. Le principe de l’EDR est que « tous ceux qui sont prêts à travailler au salaire de base du secteur public, environ le salaire minimum, auraient l’assurance d’obtenir un emploi. »

Précisons également qu’on entend par État, non seulement l’État lui-même, mais surtout les collectivités locales voire certaines associations. Afin de mettre en œuvre ce programme massif de création d’emplois de transition, Il sera nécessaire de créer une agence dédiée à cette tâche de grande envergure, laquelle pourrait d’ailleurs se décliner localement à travers les Agences Territoriales de Relocalisation (ATR).

Le financement de ce plan ne poserait pas de problème insurmontable. Son coût annuel serait inférieur à 100 milliards d’euros [24], ce qui représente 5 % du PIB actuel du pays. En France, le montant des allocations chômage versées est de 34 milliards d’euros par an, celui du Crédit d’Impôt Compétitivité Emploi (CICE) - dont l’efficacité est très discutable - est de l’ordre de 18 milliards d’euros et les intérêts de la dette publique de 50 milliards d’euros. Et nous n’abordons pas ici les niches fiscales, ni l’évasion fiscale qui représente à elle seule un manque à gagner annuel de 60 à 80 milliards pour la collectivité. Dégager un budget pour financer l’EDR relève d’un choix politique et non de lois économiques qui y feraient obstacle.

Éviter les ruptures destructrices dans le parcours professionnel des individus, redonner de la cohésion sociale, améliorer la santé des chômeurs [25] et plus largement des salariés, préparer l’avenir et ne plus sacrifier des millions de personnes voire une génération, tels sont les enjeux de l’EDR, concept subversif susceptible de métamorphoser l’armée de réserve du capital en armée de réserve de la transition.

 IV. LE DROIT A L’EXPERIMENTATION

En 2003, les collectivités territoriales se sont vues accorder un droit à l’expérimentation leur permettant d’adapter les lois et règlements nationaux aux situations locales par l’introduction dans la Constitution d’une disposition (article 72 al.4 ) prévue par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République. Cette dernière a aussi constitutionnalisé le droit d’expérimentation de l’État (article 37-1).

L’innovation territoriale peut se définir comme une réponse nouvelle (ou transférée dans un contexte nouveau) à une problématique et/ou à un besoin identifiés collectivement dans un territoire, en vue d’apporter une amélioration du bien-être et un développement local durable. Force est de constater que depuis sa création, le droit à l’expérimentation est très peu utilisé par les collectivités locales [26]. La nécessité de recourir à une loi pour la mettre en œuvre et sa complexité expliquent cet état de fait. Cela est dommageable car « l’innovation territoriale est un levier considérable pour repenser l’approche de l’égalité des territoires, ce qui est urgent pour faire face aux réalités concrètes vécues ou ressenties. En effet, le remède ne pourra venir d’une approche technocratique visant à établir des zonages et de la péréquation entre les territoires, mais de l’ingéniosité des territoires eux-mêmes [27]. »

La méthode expérimentale mise en place sur un territoire repose sur l’observation d’un phénomène afin d’en dégager une théorie générale. L’expérimentation vise à étudier les effets d’une réforme sur un échantillon de personnes et dans un temps limité. « C’est toujours l’État qui autorise l’expérimentation locale, qui en précise l’objet, la durée – 5 ans maximum – qui détermine les catégories de collectivités habilitées à la mettre en œuvre. De plus, les actes dérogatoires adoptés dans ce cadre sont des actes administratifs, soumis au contrôle de légalité. En outre, le juge constitutionnel et le législateur ont posé de strictes conditions d’application. Enfin, un rapport gouvernemental permet au Parlement d’évaluer l’expérimentation en prenant une décision visant soit à la généraliser, soit à l’abandonner, soit enfin à la modifier ou à la prolonger [28]. » 

L’expérimentation constitue « une méthode irremplaçable au service de la modernisation des politiques publiques. Parce qu’elle est un vecteur d’adhésion : en effet, elle permet de dissiper les craintes et de lever les réticences que suscite toute perspective de changement. Elle est aussi un facteur d’efficacité dans la mesure où elle permet d’établir des bilans intermédiaires, de s’assurer que toutes les données ont été prises en considération pour éventuellement pouvoir apporter des corrections [29]. »

A l’initiative de ATD-Quart monde, une expérimentation concernant les chômeurs longue durée va voir le jour sur une dizaine de territoires [30]. Malgré quelques réticences, le conseil économique social et environnemental a donné son feu à ce projet. « Celui-ci prévoit, dans dix ’petits’ territoires, d’embaucher en CDI les chômeurs de longue durée volontaires dans des entreprises créées à cette fin. Ces entreprises proposeraient des services (ou activités) non couverts sur le territoire par d’autres sociétés, car difficilement rentables. Ce sont les acteurs locaux qui identifieraient ces besoins non fournis. »

« Parmi les dispositions positives, le rapporteur souligne la ’volonté collective’ des acteurs de terrain qui se sont impliqués dans l’expérimentation : élus locaux mais aussi élus départementaux et parfois régionaux, monde économique du territoire (artisans, commerçants, agriculteurs…) et chômeurs de longue durée. » D’autre part, le Cese a souligné l’importance pour les personnes aidées d’obtenir un contrat à durée indéterminée « qui évite l’écueil de nombreux contrats actuellement mis à leur disposition, tous limités dans le temps. »

Ce dispositif expérimental [31], même s’il s’en distingue, n’est pas très éloigné de par sa philosophie et aussi de sa mise en œuvre du concept d’État employeur en dernier ressort. Mais nous estimons toutefois que dans un contexte particulièrement difficile, il est nécessaire d’agir en amont, c’est à dire avant que le chômage ne devienne de longue durée pour les personnes qui ont sont les victimes. Ajoutons que généralement un employeur préfère engager une personne qui est toujours dans une dynamique d’emploi plutôt qu’un chômeur dont la trajectoire professionnelle a été rompue. La collectivité se doit en effet d’éviter aux individus des ruptures difficiles à supporter et des traumatismes aux conséquences à long terme.

L’expérimentation de l’EDR, permettrait de mobiliser le territoire et de faire converger de nombreux besoins insatisfaits avec une main d’œuvre qui n’aspire qu’à démontrer son utilité sociale. Ce sont les acteurs locaux, dans un véritable cadre démocratique, qui devront déterminer ces besoins et en établir la liste. Nous suggérons à cet effet, la création d’une commission composée d’élus, de responsables associatifs et de citoyens tirés au sort qui aurait pour objectif de remplir cette mission. Elle entendrait la population et ses séances pourraient être rendues publiques sous la forme de vidéos à visionner sur Internet. Chaque citoyen pourrait, à sa demande, être entendu ou s’exprimer sous la forme de son choix.

Alors que les collectivités locales sont frappées par une baisse sans précédent de leurs dotations budgétaires, qu’elles éprouvent des difficultés à remplir leur mission de service public à la population, l’embauche de personnels dans le cadre de l’EDR pourrait être une aubaine.

Nous devrons justement nous montrer vigilants pas rapport aux effets d’aubaine que pourrait susciter l’expérimentation de l’EDR sur notre territoire. Afin de prévenir de l’arrivée d’habitants d’autres territoires attirés par cette mise en pratique, seules les personnes résidant sur le territoire depuis un certain temps (3 ans ou 5 ans par exemple) pourrait y adhérer. Mais la tâche la plus complexe sera de bien cloisonner les activités relevant de l’EDR des activités classiques des secteurs marchand et public. Nous pourrions imaginer par exemple qu’une municipalité puisse y recourir à la condition de ne pas baisser la masse salariale de ses agents. Dans cette perspective, de nombreuses règles destinées à ne pas perturber le marché de l’emploi et le statut des fonctionnaires devront être édictées.

Des économistes qui ont étudié le sujet, tels Cédric Durand et Dany Lang [32] ou encore Michel Husson [33], pourraient nous aider à définir les modalités efficientes de l’EDR et à en éviter les pièges susceptibles de le rendre inopérant. Un partenariat acteurs-chercheurs tel qu’il existe en certains endroits [34] constitue à cet égard une piste prometteuse.

De plus, et de manière à ce que l’ensemble des habitants du territoire profitent de la mise en place de l’EDR, nous proposons qu’une partie (à déterminer et évolutive) des salaires versés le soit en Méreaux, la monnaie locale complémentaire [35] du territoire. Les salaires ainsi réglés ne fuiteraient pas hors de notre territoire et bénéficierait ainsi à l’économie locale d’un territoire qui en a absolument besoin pour se rééquilibrer.

 POUR CONCLURE

Le chômage de masse est un drame qui touche un nombre croissant de personnes et les révolutions technologiques en cours laissent penser que la situation va s’aggraver. Nos dirigeants politiques estiment en général que la flexibilité du travail est une réponse adaptée à cette phase historique. Mais contrairement à ce qu’ils nous expliquent, là où des dispositifs allant dans ce sens existent, le taux de chômage n’a reculé qu’en raison d’artifices administratifs (augmentation des malades, des handicapés ou des pré-retraités) sans rapport avec la flexibilité.

Dans ce contexte particulièrement difficile, de nouvelles stratégies ayant pour objectif de ne pas laisser dans la désespérance des millions de personnes qui souhaitent trouver un travail et se montrer utile à la société doivent être examinées puis expérimentées. Dans ce cadre, le concept d’État employeur en dernier ressort (EDR), ou des dispositifs relevant du même état d’esprit, peuvent prendre une place centrale.

L’EDR [36] est le tremplin nécessaire pour une reprise en main de l’économie par les citoyens. Il a pour but de rendre une vie digne à l’ensemble des citoyens, de sortir de l’assistanat, d’assurer davantage de cohésion sociale et enfin de satisfaire des besoins écologiques et sociaux qui ne le sont pas actuellement. L’EDR ne prétend pas résoudre tous les problèmes. Son efficacité ne saurait en effet se substituer à une nécessaire régulation des échanges internationaux. Conscient que l’EDR et les pistes proposées sont relativement novatrices dans notre bassin de vie nous pensons que ce pas de côté peut se révéler d’une remarquable efficacité tant pour les personnes bénéficiaires que pour la société dans son ensemble. En outre leur mise en œuvre peut être une formidable opportunité pour dynamiser notre territoire et favoriser l’expression démocratique de ses habitants.

Dans la lutte des classes qui oppose dorénavant des sédentaires enracinés sur des territoires (la très grande majorité de la population) à des nomades (financiers et ingénieurs informatiques notamment) qui ont le monde pour champ d’action, il convient de développer de nouveaux outils en conséquences. Profitants de notre isolement, de notre fragilité économique, et de notre manque de coopération, les nomades nous rendent dépendants, résignés et, de plus en plus, inutiles. Il nous faut comprendre qu’à l’heure de la quatrième révolution industrielle, ce qui séparait hier les différents sédentaires (les salariés du secteur privé, les commerçants et les fonctionnaires ou la petite bourgeoisie, les classes moyennes et les classes populaires) est devenu superflu. Nos divisions ne peuvent que nous causer les plus grands torts. En ce sens, l’État employeur en dernier ressort et les monnaies locales complémentaires constituent des concepts et des outils favorisant la coopérations entre tous les habitants et sont susceptibles de nourrir quelques espoirs.


[1Officiel : dans 20 % des familles américaines, personne ne travaille !

http://www.insolentiae.com/officiel-dans-20-des-familles-americaines-personne-ne-travaille/

[2En Angleterre, la baisse du nombre de chômeurs au cours des 25 dernières années a été curieusement compensée par une augmentation équivalente du nombre d’invalides et de malades.

http://espace.yh.free.fr/social2/index.html

[3La faible taux de chômage du Danemark est lié au nombre très élevé de pré-retraités.

http://www.gauchemip.org/IMG/html/danemark_chomdu.html

[4A noter que les passages du texte en italique (parties 1 et 3) proviennent d’un essai écrit par Philippe Lalik et Benoît Thévard à paraître en 2016 : Saisir l’opportunité du déclin, construire un futur désirable au cœur d’un monde en voie d’effondrement.

[5A l’échelon mondiale et pendant des millénaires, la proportion des actifs engagés dans l’agriculture a été de 80%. Ce n’est que vers 1700 que nous sommes passés sous ce taux. Vers 1900, nous sommes passés sous la barre des 70% pour atteindre 60% en 1955. Voir Paul Bairoch : Structure de la population active mondiale de 1700 à 1970 in Annales. Economie, Sociétés, Civilisations, 26e année, N.5, 1971 pp 960-976.

[63050 heures par an vers 1900 contre 1520 heures actuellement.

[7Pierre Rosanvallon cité par Michel Husson : Du salaire à l’emploi : une relation complexe, Revue de l’IRES n°7, 1991 http://hussonet.free.fr/salario.pdf

A noter que cet exemple date de 1985 et qu’aujourd’hui une personne payée au SMIC doit travailler 40 heures pour acquérir une machine à laver.

[8En particulier par François Partant.

[9Il existe plusieurs définitions de l’économie quaternaire, c’est pourquoi nous utilisons des guillemets.

[10Jacques Sapir La démondialisation, Seuil, 2011.

[11« Modifier la répartition des activités productives dans le monde, c’est modifier aussi la répartition des emplois et des aires de sous-développement. Le monde était “dual” (ou à plusieurs vitesses) et bien entendu il le demeure. Mais dans le cadre du pays industriel, la société reproduit maintenant ce dualisme. Car le sous-développement n’est qu’une des conséquences de la concurrence économique à l’échelle mondiale. Le sous-emploi et la sous-rémunération de la force de travail qui le caractérisent peuvent donc fort bien apparaître hors des frontières actuelles du tiers-monde avertissait François Partant dès les années 80. François Partant : La Ligne d’Horizon p. 100 (La Découverte, 1988).

[12Pour un écosystème de la croissance : rapport au Premier ministre Christian Blanc – 2004

[13Les pôles de compétitivité découlent de ce rapport.

[14Ce phénomène a été qualifié de tiers-mondialisation par l’économiste Bernard Conte.

[18La zone d’emploi de Montargis regroupe l’agglomération de Montargis et les anciens cantons de Bellegarde, Lorris, Ferrières, Courtenay, Chateau-Renard et Chatillon-Coligny.

[19Chiffres de 2012.

[20Laurent Davezies : Formes de développement des territoires et pauvreté.

https://www.onpes.gouv.fr/IMG/pdf/Travaux2003-2004-2-3-1-territ_pauvrete-Davezies.pdf

[21Bien qu’étant encore une protection efficace contre le chômage, le diplôme constitue toutefois un bouclier de moins en moins efficace. La robotique et l’intelligence artificielle commence en effet à menacer des emplois hautement qualifiés.

[22On pourra lire à ce propos, l’article de Charles Sannat du 26 mai 2016 : Pour le FMI, 9 chômeurs français sur 10 n’ont aucune chance de retrouver un emploi !!

http://www.insolentiae.com/pour-le-fmi-9-chomeurs-francais-sur-10-nont-aucune-chance-de-retrouver-un-emploi-ledito-de-charles-sannat/

[23Le programme EDR, l’employeur de dernier ressort, a été mis en avant à la fin des années 1990 par deux groupes de chercheurs initialement indépendants l’un de l’autre. Le premier groupe est localisé à l’Université de Newcastle, en Australie, sous la direction de Bill Mitchell qui a mis en avant l’expression Buffer stock employment [Mitchell, 1998 ; Mitchell et Watts, 1997 ; Juniper et Mitchell, 2005]. Le second groupe, mené par Randall Wray [1998] et Mathew Forstater [1998, 2005], et inspiré par les suggestions d’anciens keynésiens comme Abba Lerner, Hyman Minsky [1986] et William Vickrey [1997], ainsi que par les idées de Warren Mosler [1997-98], est situé dans un ancien bastion institutionnaliste, l’Université du Missouri à Kansas City. http://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2009-1-page-55.htm

[24Nous nous basons sur un coût annuel de 18 000 € par emploi et 5 millions de participants, soit 90 milliards, ce qui constitue une fourchette très haute.

[25Selon une étude de l’INSERM, en France le chômage serait responsable, chaque année, de la mort de 10000 à 20000 personnes (Pierre Meneton). Sur les répercutions du chômage sur la santé, on pourra lire Michel Debout : Le traumatisme du chômage (Editions de l’Atelier, 2015).

[29Id.

[31Pour une courte présentation très enthousiaste, voir France Info :

https://www.youtube.com/watch?v=KuFRYDL67ro

Nous précisons que nous n’en avions pas connaissance lorsque nous avons débuté l’écriture du présent texte.

[35Concernant la MLC du territoire, le Méreau voir : http://mereaudugatinais.blog4ever.com/

[36Le concept d’État employeur en dernier ressort a été évoqué récemment par des économistes et figure parmi les propositions les plus emblématiques d’un courant méconnu du grand public, le néochartalisme.

Pour en savoir plus voir : https://frappermonnaie.wordpress.com/les-bases/

Par Lalik Philippe

Le jeudi 5 novembre 2020

Mis à jour le 27 juillet 2023