Entretien réalisé par la Rédaction de Yonne Lautre le 22 décembre 2016 avec Jean Gobier, président de Solidarité Paysans des Pays de Bourgogne, et Gérard Robert, secrétaire.

 Pourriez-vous nous présenter l’association nationale Solidarité Paysans, son origine, ses objectifs ?

L’association nationale Solidarité Paysans est née voici une trentaine d’années. Au démarrage ce sont, un syndicat paysan, la confédération paysanne et l’association chrétiens en milieu rural (CMR) qui ont compris la détresse d’un nombre important d’agriculteurs bousculés par les crises à répétition. Ayant une identité de vue sur les méthodes à employer pour venir en aide à ces agriculteurs, ils ont décidés d’unir leurs efforts et de créer cette association.
Aujourd’hui, ce sont 65 départements qui sont couverts par les diverses associations départementales. Ce sont 80 salariés et environ 1000 bénévoles qui permettent la bonne marche de ces associations. Chaque année ce sont environ 3000 paysans qui sont accompagnés.

L’objectif premier de Solidarité Paysans est de maintenir l’agriculteur dans son emploi. Cet objectif est réalisé en moyenne dans 70% des cas. Malheureusement, il arrive que la situation soit trop dégradée et il faut alors envisager une cessation d’activité. Quoiqu’il en soit nous nous intéressons toujours en priorité à la personne. Dans une exploitation agricole, la gestion est certes très importante mais, on s’aperçoit très rapidement qu’il existe d’autres causes à la mauvaise santé de l’entreprise. Ce peut être la santé de l’exploitant, les rapports dans le couple, les rapports avec les associés, les conflits avec les diverses administrations (MSA, DDT , banques etc..

 Quand et pourquoi avoir créé Solidarité Paysans des Pays de Bourgogne ?

Solidarité Paysans de Bourgogne devenu aujourd’hui Solidarité Paysans des Pays de Bourgogne est née le 14 avril 2014. L’association nationale avait été appelée par des paysans en difficulté en Bourgogne et n’ayant pas d’association relai sur cette région ils ont contacté des personnes dans le milieu syndical et au CMR susceptibles de pouvoir intervenir. Ces volontaires ont très rapidement compris la complexité du travail. Nous allons donc créer cette structure avec pour objectif d’organiser nos interventions et surtout de mettre en place des formations pour apprendre aux bénévoles à accompagner les agriculteurs en difficulté. Notre zone d’intervention comprend en principe les quatre départements bourguignons mais à ce jour nous n’avons des bénévoles que sur la Côte d’Or et l’Yonne. Sur ces deux départements, ce sont une quinzaine de bénévoles qui ont déjà pratiqué l’accompagnement.

 Les difficultés des paysans en activité sont-elles importantes dans notre région ? Pourquoi ?

Au niveau agricole, notre région est diversifiée. Les deux grandes productions sont l’élevage bovin viande et la céréale. On y trouve aussi la viticulture qui est économiquement très importante. L’élevage bovin lait tient encore sa place mais diminue rapidement. A côté de cela on trouve de nombreuses exploitations avec des productions moins connues ; maraîchage, élevage caprin, apiculture etc . 
La situation de l’élevage est depuis longtemps fragile. La production céréalière qui a vécu de bonnes années subit depuis 3 ans des aléas climatiques qui ont profondément dégradés leur situation. Ces deux types d’exploitations souffrent de l’adaptation a un modèle imposé par le politique (PAC politique agricole commune et un syndicalisme dominant). C’est une course perpétuelle à l’agrandissement ce qui nécessite des investissements souvent exagérés. Les marges étant faibles, le moindre fléchissement des prix de vente mettent les comptes dans le rouge.

 Comment intervenez-vous ? Avec quels moyens ?

Nous n’intervenons qu’à la demande de la personne. Nous n’avons aucune légitimité à nous présenter chez une personne qui ne nous aurait pas appelé. Cet appel fait partie de la démarche, cela veut dire que la personne a conscience de ses problèmes et est prêt à modifier ses pratiques ou tout au moins en parler pour améliorer son sort. Nous intervenons toujours à deux, ce qui permet d’une part de croiser les avis et d’autre part de mieux supporter les situations qui sont parfois lourdes. Nous proposons alors en fonction de la situation des chemins pour améliorer la situation. Si nous avons besoin de conseils juridiques ou de gestion, dans notre réseau nous disposons de personnes qualifiées dans ce domaine. Nous pouvons aussi en groupe faire une relecture du dossier pour nous appuyer sur l’expérience des autres accompagnants. Il va de soi que cette démarche se fait dans la plus stricte confidentialité.

 Que faudrait-il pour éviter ces situations, comment assurer de justes revenus aux paysans ?

Comment éviter ces situations est une question complexe. Nous avons rencontré depuis 2 ans des cas extrêmement divers. Les causes sont multiples, mais il est clair que la politique économique menée depuis plusieurs dizaines d’années a fait de gros dégâts. On a mis en concurrence tous les agriculteurs, cette concurrence a pour résultat d’éliminer tous ceux qui sont a un moment donné plus faibles. C’est ainsi qu’on est passé en 50 ans de 3 millions de paysans à 500 000 aujourd’hui et l’hémorragie ne faiblit pas. Cette politique a eu pour deuxième effet d’isoler les agriculteurs et de les rendre invisibles au reste de la société.

Mais pour garder un message d’espoir, il semble aujourd’hui se dessiner un mouvement inverse. Sur des structures à taille humaine des paysans essaient de produire de la qualité et de vendre à des prix qui permettent une rémunération de leur labeur. En même temps la taille plus modeste de leur entreprise leur permet d’être plus en contact avec les consommateurs et de faire un travail pédagogique pour expliquer leur métier.
Nous essayons aussi au niveau de notre association de faire passer ce message.

 Que peuvent faire les citoyens pour aider, pour contribuer à cette amélioration ?


Notre association a aussi des besoins pour mener à bien sa tâche.
Le premier c’est d’être mieux connue. Ne faisant pas partie du système « officiel » il semble que nous sommes victimes d’une certaine omerta.
Le deuxième, trouver des bénévoles pour nous assister. Nous avons été un peu prétentieux à vouloir créer une association dont le rayon d’action est la Bourgogne, ce territoire est vaste. Si nous pouvions avoir des volontaires pour mailler ce territoire ce serait très bien. Toute personne peut nous rejoindre, même si elle n’a pas de qualification dans le domaine agricole, de toute façon elle apportera un autre regard et nous travaillons toujours en binôme. Chaque année, nous organisons des formations.

Enfin, le troisième, c’est évidemment des moyens financiers. Là aussi nous souffrons d’un certain ostracisme. Alors, les cotisations, les dons et les idées de financement sont les bien venues. Nous sommes certes des bénévoles mais, toute organisation a des frais et nous n’échappons pas à la règle.
Enfin, rappelons que notre association est totalement indépendante de tous pouvoirs, qu’ils soient politiques, syndical, financiers etc..

 Comment joindre votre association ?

Écrire à Solidarité Paysans Bourgogne
37 Montpolet
89 630 SAINT-LEGER-VAUBAN
Tél. 09 66 90 28 32
jean.gobier(at)gmail(.)com
http://solidaritepaysans.org/bourgogne

Par Gobier Jean, Rédaction de Yonne Lautre, Robert Gérard , Solidarité Paysans des Pays de Bourgogne

Le lundi 25 novembre 2019

Mis à jour le 21 septembre 2022