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Nicholas Bell : Avec Canopée contre les coupes rases

Publications & Brèves.

 Avec Canopée contre les coupes rases 13.03.24
Voici une émission que je viens de réaliser avec Bruno Doucet sur la campagne que mène Canopée contre les coupes rases en France. Bonne écoute !
D’autre part, si vous n’avez pas vu l’excellent documentaire dans la série "Sur le Front" sur France 5, intitulé "La face cachée des forêts françaises" diffusée le 26 février, je vous le recommande fortement. Il est également beaucoup sur Canopée et ses différentes actions.
https://www.francetvpro.fr/contenu-de-presse/65170280
Avec Canopée contre les coupes rases (52’17)
L’association Canopée Forêts Vivantes a été fondée en 2018. En moins de six ans elle est devenue une actrice incontournable qui a fortement marqué la question controversée de la gestion de plus en plus productiviste des forêts françaises. Elle conjugue trois formes d’action complémentaires : un expertise et des analyses scientifiques, des contacts suivis avec des parlementaires et des sénateurs, et enfin des actions non-violentes de désobéissance civile fortement médiatisées. De passage à Angers, où elle a son bureau, j’ai réalisé un long entretien avec Bruno Doucet qui est chargé de campagne sur les forêts françaises.
Il explique en détail leurs actions prioritaires actuelles : dénonciation du plan de relance qui favorise des coupes rases dans des forêts mixtes naturelles ; une campagne contre les agissements d’Alliance Forêts Bois, la plus grande entreprise française responsable de coupes rases ; et l’accompagnement de deux projets de loi à l’Assemblée nationale dont l’objectif principal est de restreindre fortement les coupes rases.
Lien direct vers cette émission : http://www.zinzine.domainepublic.net/?ref=9047
Salutations, Nicholas Bell, Radio Zinzine, Réseau pour les Alternatives Forestières

 Centrale biomasse à Gardanne/Meyreuil : Une victoire, mais... (22.04.23)
Comme vous le savez probablement, le 27 mars 2023, le Conseil d’Etat français, la plus haute instance judiciaire du pays, a annulé l’autorisation d’exploiter la centrale biomasse à Gardanne/Meyreuil car les incidences environnementales "susceptibles d’être provoquées par son utilisation et son exploitation" doivent être prises en compte au même titre que les incidences directes. La cour reconnaît ainsi que l’exploitation de la centrale biomasse aurait des incidences sur l’ensemble de la zone d’approvisionnement en bois. Elle renvoie l’affaire à la Cour administrative d’appel.
C’est une affaire très compliquée qui dure depuis longtemps. Plusieurs associations, dont la plus grande association environnementale française, France Nature Environnement, ont déposé une première requête, le 29 novembre 2013, contre l’autorisation d’exploiter délivrée par le Préfet des Bouches-du-Rhône en novembre 2012. Elle avaient attaqué plusieurs aspects de l’enquête publique et de l’étude d’impact environnementale, et notamment le fait que celle-ci avait été limitée aux impacts immédiats dans les quelques kilomètres autour de la centrale. Le 8 juin 2017, la Cour administrative de Marseille a donné raison aux associations sur les manquements de cette étude d’impact et a annulé l’autorisation. Elle a imposé à l’entreprise de mener une étude plus large sur tous les impacts dans les zones d’approvisionnement.
L’entreprise et le ministère ont fait recours et, parallèlement, le lendemain du jugement (le 9 juin 2017), le Préfet a accordé une autorisation provisoire d’exploiter qui permettait à l’entreprise de poursuivre son activité. Ensuite, en 2020, la Cour d’appel de Marseille a statué sur le recours déposé en 2017 et a donné raison à l’entreprise, annulant ainsi le jugement du 8 juin 2017. Les associations ont porté l’affaire devant le Conseil d’Etat qui a donc annoncé sa décision le 27 mars 2023.
Le problème est que l’autorisation provisoire accordée par le Préfet le 9 juin 2017 n’a pas été contestée et resterait en vigueur. L’entreprise peut donc continuer à exploiter la centrale.
Dans les prochains mois, la question cruciale sera de surveiller de près comment Gazel Energie (l’actuel propriétaire de la centrale) mène l’étude d’impacts élargie devenue obligatoire suite à la décision du Conseil d’Etat. Qui fera cette étude ? Comment assurer que toutes les zones d’approvisionnement soient inclues ? Comment définir le "bois local", car en 2012 on évoquait déjà un rayon de 400 km, ensuite on parlait de 250 km...
Pour moi, il semble essentiel d’étendre cette étude aux importations de plaquettes pour la centrale. Il y a plusieurs années, la presse rapportait que des bateaux étaient arrivés du Brésil avec du bois issu de plantations. Dans le compte rendu de l’une des récentes réunions publiques au sujet du projet Hynovera (projet de production de carburant pour bateaux et de kérosène (avions) à partir d’hydrogène « verte » et de bois, prévu sur le site de la centrale), il est indiqué que Gazel Energie continue à importer du bois de Brésil. L’autorisation de 2012 avait prévu que la moitié du bois pourrait être importé pendant les dix premières années de fonctionnement et qu’ensuite il faudrait que la totalité du bois soit approvisionnée en France. Cependant, suite à la vague de contestation dans la région en 2013-2016, avec des centaines de motions adoptées par des collectivités locales, les autorités françaises ont autorisé une augmentation du niveau des importations.
Il me semble évident que les autorités françaises voudraient éviter de provoquer de nouvelles contestations locales, suite à des coupes rases ou nuisibles au paysage. Le modèle s’approche de plus en plus de celui de Grande-Bretagne, où Drax importe la quasi totalité du bois brûlé dans la centrale. En plus, les autorités utilisent un nouvel argument : la nécessité de maintenir l’activité du port de Fos-sur-Mer ,affectée par la fermeture du Groupe 5 de la centrale à Gardanne qui fonctionnait au charbon. La CGT à Fos insiste lourdement sur l’importance de remplacer les importations de charbon par celles du bois. Si ses subventions étaient annulées ou sensiblement réduites, le modèle économique de Drax ne fonctionnerait plus.
Il est largement connu que les approvisionnements en bois pour les centrales à biomasse en Europe ont causé des dégâts énormes et irréparables dans les forêts du sud-est des Etats-Unis et de l’Estonie, pour ne citer que ces deux exemples. Il est fort probable que c’est vrai aussi pour la centrale de Gardanne.
Pour revenir à la décision du Conseil d’Etat, il faut ajouter que, plus généralement, elle crée un précédent important. C’est à ma connaissance la première fois qu’un tribunal statue que les impacts indirects d’un chantier ou d’une activité industrielle doivent être inclus dans l’étude d’impact. Cela pourrait vouloir dire, par exemple, qu’une étude d’impact sur une nouvelle autoroute devrait prendre en compte les impacts occasionnés par l’apport des matériaux comme le sable, le béton etc...

Par Bell Nicholas

Le mercredi 13 mars 2024

Mis à jour le 13 mars 2024