14 janvier 2007 Constitutions Françaises et Déclarations Fondatrices Abroger l’élection du président au suffrage universel

Abroger l’élection du président au suffrage universel
Le mode actuel de désignation du Chef de l’Etat personnalise le pouvoir au détriment de nos institutions représentatives.

Par Thierry Michalon

LIBERATION.FR : jeudi 11 janvier 2007
Maître de conférences à l’Université des Antilles et de la Guyane

La pré-campagne bat son plein depuis de longs mois déjà et nous
devons accepter une nouvelle fois, comme une fatalité, avec un mélange
d’excitation et de honte, que la démocratie paraisse se ramener à une
entreprise de séduction et au choc des ambitions personnelles.

Quelquechose nous murmure bien qu’il s’agit là d’une perversion de la
démocratie, mais nul n’ose remettre en cause un mode de désignation du
chef de l’Etat qui nous procure de telles jouissances collectives. Et
pourtant...

Adoptée par le référendum du 28 octobre 1962 - organisé dans la
foulée de l’attentat auquel, le 22 août précédent, le chef de l’Etat
avait réchappé de justesse - l’élection du Président de la République
au suffrage universel direct fut présentée par le général de Gaulle
(et perçue par l’électorat) comme une conquête démocratique,
permettant au peuple de conférer une légitimité directe à celui dont
le fondateur du régime devait dire, dans sa conférence de presse du 31
janvier 1964, qu’il « est évidemment seul à détenir l’autorité de
l’Etat ».

Or rien dans le texte de la Constitution - laquelle pour
l’essentiel organise un régime de type parlementaire rééquilibré en
faveur de l’exécutif - ne peut étayer une pareille formule qui, dans
son outrance même, résumait les conceptions quasi-bonapartistes de
Charles de Gaulle : investi, par-dessus les partis et leur
représentation au Parlement, d’une confiance populaire directe, le
Président de la République, affirmait-il, « est évidemment seul à
détenir et à déléguer l’autorité de l’Etat. ».

(...)


11 juillet 2005 > Constitutions Françaises et Déclarations Fondatrices La Constitution de la Ve République

Constitution ou traité

CT7

La Constitution de la Ve République

La Constitution, règle de droit suprême

La Constitution française actuellement en vigueur a été approuvée par le référendum du 28 septembre 1958 et porte la date de sa promulgation par le Président de la République : le 4 octobre 1958. Elle a fait depuis lors l’objet de maintes révisions partielles dont la plus importante est celle opérée par la loi constitutionnelle du 6 novembre 1962. Cette révision, également approuvée par référendum, a, pour l’élection du Président de la République, substitué le suffrage universel direct au suffrage indirect initialement prévu (vote des " grands électeurs "). Elle a eu des effets politiques considérables.

La Constitution a pour objet d’instituer les règles de droit fondamentales concernant la nature de l’Etat, le régime politique, la désignation des gouvernants et la définition de leurs compétences, les libertés et les droits garantis aux individus et aux groupes sociaux.

La caractéristique juridique essentielle attachée aux règles constitutionnelles est leur suprématie par rapport à toutes les autres règles de droit et notamment aux lois ordinaires. Cette supériorité est assurée par deux principes.

Le premier est que la Constitution ne peut être modifiée que par une procédure plus difficile à mettre en oeuvre que celle des lois ordinaires. C’est ainsi par exemple qu’alors que l’adoption d’une loi résulte en France du vote de chacune de deux Chambres (et même en certains cas de la seule Assemblée Nationale) une révision constitutionnelle exige en plus du vote dans chaque Chambre sa ratification soit par un référendum, soit, sous certaines conditions, par un vote à la majorité des trois cinquièmes du "Congrès " formé par la réunion en une seule assemblée des députés et des sénateurs.

Le second principe qui assure la suprématie de la Constitution est que les autres règles de droit doivent être conformes ou en tout cas non contraires à la Constitution qui est ainsi supérieure aux lois votées par le Parlement, aux décrets du Président de la République ou du Premier ministre et, plus généralement, à tout acte du gouvernement ou de l’administration.

Il s’ensuit tout d’abord que les diverses règles de droit ne peuvent être édictées que par les autorités investies directement ou indirectement par la Constitution et seulement selon la procédure prévue par elle.

Mais cet impact de la Constitution ne se limite pas aux règles de compétence et de forme. Il s’étend au contenu même des prescriptions formulées par les lois, les décrets, etc. En effet, la Constitution comporte, notamment en matière de droits et de libertés, nombre de dispositions de fond que les autorités publiques ne peuvent méconnaître dans l’exercice de leurs attributions.

Constitution, Déclaration de 1789, Préambule de 1946

On pourrait dire en guise de devinette que " toute la Constitution n’est pas dans la Constitution ". Cette espèce de jeu de mots se justifierait par le fait que, par son Préambule, la Constitution de 1958 incorpore à son propre texte, mais sans les reproduire, les termes de la Déclaration de 1789 et ceux du Préambule de la Constitution précédente (1946) qui complète la Déclaration par l’énoncé de " principes politiques, économiques et sociaux particulièrement nécessaires à notre temps ". Le Conseil constitutionnel a reconnu dès lors aux règles et aux principes posés par ces textes de 1789 et de 1946 une valeur constitutionnelle égale à celle des dispositions figurant dans le corps même du texte de la Constitution de 1958.

Ainsi l’ensemble des règles de nature et de niveau constitutionnels qui composent la Constitution, au sens plein du terme, est formé de parties datant de périodes différentes. Il s’ensuit assez souvent que certaines contradictions apparaissent entre elles, notamment par exemple entre les principes de 1789 inspirés par l’individualisme libéral et ceux de 1946 teintés de droit social sinon de socialisme. La solution de ces difficultés renvoie au problème général de l’interprétation de la Constitution dont on dira plus loin quelques mots.

Constitution, lois organiques, lois ordinaires

Certaines questions intéressant l’organisation de l’Etat et l’exercice du pouvoir ne sont pas traitées par la Constitution qui les renvoie à la loi.

Dans certains cas (statut de la magistrature par exemple) le Parlement doit alors voter des lois organiques selon une procédure plus difficile que celle des lois ordinaires. Les lois organiques ont une valeur supérieure à celle des lois ordinaires mais inférieure à celle de la Constitution.

Dans d’autres cas, la Constitution renvoie à la simple loi "ordinaire". Par exemple le mode de scrutin pour l’élection des députés est fixé par une loi ordinaire malgré l’importance politique considérable qui s’attache au choix entre scrutin majoritaire et scrutin proportionnel.

La constitutionnalisation du droit français

La tradition française antérieure à 1958 donnait à la Constitution une portée plus politique que juridique. Le droit constitutionnel traitait du pouvoir politique ; il n’était pas porteur de principes fondamentaux effectivement valables hors du droit public.

Cette situation a profondément changé. Non seulement la Constitution est directement présente et agissante dans les domaines du droit public (droit administratif, droit fiscal notamment) mais elle intervient en droit pénal et en droit privé. Beaucoup de décisions du Conseil constitutionnel ont pour objet de contrôler la constitutionnalité de lois concernant les personnes privées en matière civile, commerciale, sociale, etc.

Les raisons de cette nouveauté sont claires : la reconnaissance de la valeur constitutionnelle de la Déclaration de 1789 et du Préambule de 1946 a incorporé à la Constitution des principes essentiels intéressant la vie privée des individus et des groupes. La fidélité à la Constitution ne doit pas être moindre pour les lois " de droit privé " que pour les lois " de droit public "

Présence et avenir de la Constitution

Même si elle est dans beaucoup de cas invisible, la Constitution est toujours présente dans notre vie juridique. En tant que réglant ce que l’on pourrait appeler la mécanique politique, elle est beaucoup plus respectée que ses devancières. En tant que charte de la société française elle assure la protection des droits de l’homme et des libertés. En somme, elle est le fondement de l’Etat de droit.

S’il en est ainsi, c’est en grande partie parce que la Constitution de 1958 a institué un organe chargé de contrôler la constitutionnalité des lois : le Conseil constitutionnel. Longtemps en France le contrôle de la constitutionnalité des lois a été écarté en vertu de l’idée que la loi votée par les représentants de la nation exprime la volonté générale et procède donc de la souveraineté nationale. Mais une analyse plus exacte a prévalu : l’expression initiale et fondamentale de la volonté nationale se trouve dans la Constitution. Les organes de l’Etat, même élus, n’exercent leurs fonctions qu’en vertu de la Constitution et il n’est nullement antidémocratique que cet exercice soit contrôlé. Au contraire, ce contrôle assure le respect de la souveraineté de la nation à son plus haut niveau, celui de la Constitution. Ce que résume une décision du Conseil constitutionnel du 23 août 1985 selon laquelle " la loi n’exprime la volonté générale que dans le respect de la Constitution ".

Le juge constitutionnel doit éviter deux écueils de bords opposés :

 d’une part lire la Constitution dans un sens purement littéral et donc se refuser le droit et le devoir qu’en cas de besoin a tout juge d’interpréter " constructivement " les textes à appliquer ;

 d’autre part sous couvert d’interprétation ou sous un autre prétexte, consacrer, fût-ce avec de bonnes intentions, des principes qui même indirectement ne procèdent pas d’un texte de valeur constitutionnelle mais d’une préférence personnelle et donc usurper le pouvoir constituant.

Malgré les regrets qu’expriment quelquefois certains auteurs au sujet de la " timidité " du Conseil constitutionnel celui-ci n’a pas jusqu’ici débordé le cadre que l’on vient d’indiquer.

D’une façon plus générale on peut prendre acte de certaines constatations positives, assez originales qu’appelle par rapport à l’expérience française, la Constitution de 1958. Celle-ci est acceptée par la très grande majorité des Français ; le révisionnisme ne s’exerce que sur des points particuliers ne mettant pas en cause l’économie générale du texte ; celui-ci a été complété par des pratiques souples qui ont permis sans crise juridique de faire face à des alternances et à des configurations politiques variées. Tout cela est de bon augure quant à l’espérance de vie mais n’est pas une garantie contre les hasards de l’histoire.

Peut-être ce que la Constitution de 1958 a apporté de plus neuf et de plus assuré pour l’avenir, c’est cette " présence " que l’on signalait plus haut. La Constitution n’est plus alternativement, comme très souvent dans le passé, un majestueux document philosophique ou un code de la route parlementaire, dans les deux cas étranger au citoyen et à sa vie personnelle et quotidienne. Elle est descendue parmi les hommes. Espérons que, avec le texte de 1958 ou après lui, elle ne les quittera pas.

Georges Vedel


2 novembre 2021

Documents joints

1946, une nouvelle constitution
Constituante de 1848
Constituante 1789-1791
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789
Préambule de 1946
Constitution de 1958

Par Rédaction Yonne Lautre

Le mardi 2 novembre 2021

Mis à jour le 19 février 2023