Nous, habitant.es des bassins versants de la Loire, de la Meuse, du Rhône, des côtes du Cotentin et d’ailleurs, nous sommes réuni.es du 24 au 26 septembre, à l’initiative du collectif de treize collectifs Loire Vienne Zéro Nucléaire à Saint-Amand-en-Puisaye, dans la Nièvre, pour fêter l’abandon du projet de piscine d’entreposage centralisé à Belleville sur Loire et ouvrir des perspectives stratégiques pour la suite de la lutte anti-nucléaire [1].
Prélèvements en Loire
Lors de ce rassemblement, nous avons fait un état des lieux des actions de prélèvement et d’analyse qui, en collaboration avec l’Association pour le Contrôle de la Radioactivité dans l’Ouest (ACRO) [2], sont menées le long de la Loire et de la Vienne depuis trois ans. En seulement quelques campagnes, ces actions de prélèvements indépendantes ont contribué à montrer les failles du système de dilution des rejets toxiques des centrales dans les cours d’eau et les silences sur ces pollutions, notamment :
• la contamination des bassins versants par du tritium (hydrogène radioactif), ignorée par les exploitants chargés de la distribution d’eau potable, et donc inconnue des habitant.es qui la boivent [3]
• l’inopérance des systèmes EDF et IRSN de contrôle de la radioactivité des eaux [4]
• la présence de panaches toxiques, parfois à plus de 20 km en aval des « clarinettes » par lesquelles sortent les rejets liquides, qui remet complètement en cause la théorie des zones prétendues « de bon mélange » modélisée par les électriciens [5].
La filière aval
Un état des lieux a également été fait de la filière, dite « aval », de retraitement et de gestion des déchets nucléaires, principalement organisée autour des sites de La Hague, de Marcoule et du Tricastin et autour de Bure. Nous avons constaté que la filière du retraitement est plus que jamais le boulet de l’industrie nucléaire française :
• Orano, recapitalisation d’Areva, est dans une situation financière plus que fragile et sera probablement l’objet d’un nouveau montage financier dès 2021
• cette filière est extrêmement polluante et implique de très nombreux transports de matières radio- et chimio-toxiques, instables et mutagènes sur nos routes et nos voies ferrées
• contrairement à la propagande des électriciens, 99% des combustibles usés retraités ne sont pas réutilisés et sont stockés pour la plupart au Tricastin ou à La Hague.
• les combustibles MOX à base de plutonium produits par la filière du retraitement à Marcoule sont ingérables et doivent refroidir et être confinés en piscine pendant plusieurs dizaines d’années
• ces déchets ne sont pas considérés par l’industrie comme des déchets et constituent en volume à eux seuls l’équivalent d’un deuxième centre d’enfouissement type CIGEO, le Centre Industriel de stockage Géologique prévu à Bure.[6]
Au-delà des combustibles usés, l’industrie nucléaire produit de multiples rebuts très volumineux. Les gaines de combustibles abîmés, les grappes de contrôle, les déchets de démantèlement ainsi que quantité d’outillage et de matériel, dont on ne sait que faire, encombrent piscines et entrepôts. Certains seront « blanchis » au sein d’infrastructures dédiées comme ICEDA au Bugey ou BAMAS à Saint-Dizier.
Surtout, nous avons compris à quel point l’industrie nucléaire est désormais menacée par la saturation à 93 % des piscines d’entreposage de La Hague. Si la chaîne du retraitement fonctionne normalement, il faudrait en théorie dix ans pour emplir les emplacements restants. Mais la moindre perturbation dans cette chaîne, comme par exemple le confinement qui a arrêté le retraitement plusieurs semaines à La Hague et fait perdre à Orano un temps précieux, pourrait entraîner une véritable occlusion de l’ensemble de l’industrie nucléaire française, incapable d’entreposer ses propres combustibles usés pour les refroidir lorsqu’ils sortent des réacteurs. EDF est donc véritablement dépendante d’un projet de piscine d’entreposage centralisé, qui est d’ores et déjà en retard et dont le lieu d’implantation n’est toujours pas fixé. Suite à son abandon en bord de Loire, c’est désormais La Hague qui semble être pressentie - avec le consentement regrettable de syndicats de l’usine.
Ce rassemblement fut aussi l’occasion d’une synthèse des multiples luttes en cours contre la nucléarisation du Grand Est par l’Agence Nationale de gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA), EDF et ses filiales, et plus particulièrement contre le projet d’enfouissement CIGEO, plus grand projet industriel en Europe aujourd’hui :
• Nous avons constaté ensemble que les environs de Bure sont toujours le lieu d’une formidable dynamique de résistance collective, alors que d’importantes échéances administratives - comme l’enquête pour la déclaration d’utilité publique (DUP) et la demande d’autorisation de création (DAC) - sont prévues pour 2021.
• Nous avons également pu constater à quel point le laboratoire censé travailler sur l’enfouissement tient surtout lieu d’agence de communication, incapable qu’il est, après plus de vingt ans de présence locale, de fournir des réponses aux problèmes basiques de géologie de ce site prévu pour l’enfouissement [7].
https://ni-belleville-ni-ailleurs.frama.site/