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Réduire l’empreinte carbone par le reboisement ?

16 janvier 2016, 17:39, par Yonne Lautre

Peut être avez vous reçu ce type d’invitation :

"NORMANDIE FORÊVER est une association d’entreprises, de fondations, de collectivités et d’organismes forestiers. Son objectif est de contribuer à la réduction des émissionsde CO2 notamment par la séquestration de carbone en forêt.

Pour cela, l’association finance le reboisement en Normandie de parcelles dites de "peuplement pauvre" pour les transformer en parcelles de bois d’œuvre améliorant ainsi considérablement le stockage de carbone sur les terrains concernés. Elle contrôle les résultats dans le temps afin de garantir la pérennisation des plantations. Elle délivre aux donateurs une attestation correspondant aux tonnes de carbone séquestrées grâce à leurs financements." ?

Voici la réponse d’Adret Morvan par la voix d’Isabelle Beuniche :

Pour moi c’est du green washing.
Évidemment, on ne peut pas dire que "planter des arbres" nuit à la planète, mais le raisonnement "un arbre planté = carbone stocké" (et on devrait d’ailleurs dire : en cours de stockage) ne se réfère qu’au carbone circulant, c’est à dire celui qui est dans la biomasse (corps de l’arbre), et qui d’une part ne représente qu’une partie du carbone stocké par la forêt, et qui d’autre part sera déstocké dès l’usage du bois (très rapidement en tant que bois énergie, un peu moins en tant que bois d’industrie, et effectivement plus longuement en tant que bois d’œuvre : mais dans cette dernière éventualité, il faudra modifier notre circuit de transformation et de commercialisation, par exemple éditer des normes de construction qui concernent aussi les feuillus, revoir le circuit des meubles etc).
Et quand bien même on ne parlerait que de ce carbone là (carbone circulant), il faudrait encore savoir ce qu’on entend par « bois d’œuvre », et surtout de quelle façon on va le « cultiver ».
Ensuite, il faudrait aussi s’entendre sur la définition du « peuplement pauvre » : pauvre selon une vision économique, ou pauvre selon une vision d’écologie forestière ? Par exemple, un « peuplement » de zone humide est réputé « pauvre » économiquement parlant, et a pourtant une fonction écologique majeure (biodiversité remarquable, préservation des milieux aquatiques) qu’on peut extrapoler sur des fonctions économiques non négligeables (qualité et régulation de l’eau, stockage-recyclage carbone efficient du fait de son écosystème équilibré etc). Ne perdons pas de vue que les forêts naturelles anciennes du Morvan sont rasées à blanc parce que considérées comme des « peuplements non améliorables » (lire : non mécanisables en l’état et ne répondant pas à la demande de l’industrie).Isabelle Beuniche
Mais la vraie question, la seule question, c’est de voir pourquoi ce schéma du carbone circulant, qui va jusqu’à cautionner les plantations à rotations courtes, lesquelles seront bientôt éligibles au fonds carbone, pour répondre à une demande récurrente de la filière, est une arnaque de papier.
Car la vérité, toute simple, c’est que c’est la forêt qui fait le puits de carbone, et pas l’arbre.
Autrement dit, c’est l’écosystème forestier qu’il faut considérer, et non pas le « peuplement ».
Les études du REFORA [1], et d’autres études antérieures (notamment sur des forêts chinoises non exploitées depuis 400 ans [2]) ont parfaitement démontré que la forêt qui stocke et recycle (par les échanges avec le vie organique du sol) le mieux le carbone est la forêt naturelle ancienne, mature, non exploitée ou gérée dans le respect de son écosystème. D’autres études sur la forêt amazonienne ont permis de constater que certains arbres sont plus efficients que d’autres pour capter le CO2 mais qu’ils ne le sont qu’à la condition de rester intégrés dans un écosystème équilibré. Cela veut dire très concrètement que tout ce qui ressemble à une plantation (sélection des essences, introduction de plants déconnectés du sol, rajeunissement, interventions humaines impactantes etc) est contre-productif en terme de stockage-recyclage carbone (et sur la qualité-régulation de l’eau).
Ainsi,si la proposition que tu me soumets, consiste à couper à blanc le peuplement existant, le remplacer par une culture mécanisée destinée au bois énergie (essences de laboratoire à rotation très courte ?) et à du prétendu bois d’œuvre (lequel ? résineux exotique en rotation 60-80 ans ?), le tout à finalité purement économique et aspirant aux subventions déguisées du fonds carbone, eh bien, pour moi, cela va à l’encontre de tout ce que je défends, c’est à dire la préservation de la forêt naturelle, gérée dans le respect de son écosystème.

[1REFORA « Le carbone forestier en mouvements » dont il ressort que la forêt naturelle ancienne, mâture, et composée de feuillus, est la plus optimum pour stocker le carbone (dont près de la moitié dans le sol). http://refora.online.fr/parutions/Rapport_carbone_forestier.pdf

[2INRA, courrier de l’environnement n° 57 (2009) page 37 https://www.researchgate.net/publication/265145353_La_foret_face_aux_changements_climatiques

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