Droits des Handicapés 89 Brèves Une météorite a traversé l’Yonne fin mai 2010

Une météorite a traversé l’Yonne fin mai 2010

Ce vendredi 28 mai, j’étais en déplacement dans l’Essonne quand mon portable se met à vibrer vers 10 heures, pour me prévenir d’un message sur le répondeur de mon domicile. Normalement, je ne consulte ces messages qu’une fois rentré, mais là il fallait que je l’écoute. Quelle n’est pas ma surprise d’entendre la voix de Marc Guillemain m’expliquant, un peu excité, qu’un de ses amis en fauteuil roulant fait Casablanca Stockholm et cherche un hébergement pour le soir à Joigny. Je rappelle immédiatement Marc pour de plus amples explications. Et j’apprends que ce gars, Lars Löfström, ancien international de basket handisport fût l’adversaire de Marc pendant de nombreuses saisons au 4 coins du globe. Hasard ? Ils se sont retrouvés dans Auxerre alors que Lars et Mats, le cycliste qui l’accompagne, cherchaient où dormir le soir. Lars est par ailleurs professeur de sports auprès de valides et principal de son collège.
Vite, je fais un texto à 2 copains afin qu’ils demandent à ma femme de me rappeler. 10 minutes après mon portable revibre et je lui explique la situation, moi coincé dans l’Essonne ne pouvant rien faire et ces gars hors du commun qui vivent leur aventure, si on pouvait les aider. Rapidement nous tombons d’accord pour les héberger à la maison, les accueillir à la mairie de Joigny afin qu’ils puissent transmettre leur message : les handicapés doivent aller vers les valides !

Pour être moi même handicapé et au contact des handicapés de par mon travail, j’ai bien conscience du côté novateur du message surtout en France compte tenu de la place réservé au handicap dans l’esprit des gens et dans leurs actions.

Je rentre vers 20 heures à la maison et la trouve envahie de fauteuils roulants et d’une euphorie communicative. Après les présentations d’usage, faites déjà avec des sourires plein d’énergie, je découvre que Marc nous a rejoint. Que cette invasion nous fait du bien... Ma femme leur a donné les clés de la maison après leur arrivée à la mairie et un passage obligé par la case "journaliste", ce qui leur a permis de pouvoir se reposer et se changer.
Comment décrire l’énergie que dégagent ces hommes, comment expliquer que leur seule présence est gage de sérénité. Marc pendant l’apéritif me disait qu’il était sur un nuage, c’est aussi l’impression que j’ai eu au cours de cette journée un peu folle.

Mais il faut déjà penser à demain car ils nous expliquent qu’il leur faut être à Paris lundi matin au plus tard pour des rendez vous avec des médias. Marc contacte des élus de Sens afin qu’ils puissent là encore passer le message, et finir leur étape qui sera Montereau.

31 kilomètres entre Joigny et Sens. Nous avions convenu que je les rejoignait sur la route avant Sens pour les guider jusqu’à la mairie en vélo. Ils partent à 10 heures. Je prends mon temps et vise de partir vers midi pour les rejoindre. A 11h45, coup de fil de Mats Melin l’accompagnateur cycliste, ils sont sur la place de la cathédrale à Sens. Sur le cul, je fonce dans ma voiture pour les rejoindre. Plus de 21 Km/h de moyenne, c’est tout juste incroyable. Nous nous retrouvons à la terrasse d’un café et ils m’expliquent que le vent dans le dos les a bien aidé. Ok, mais la côte de Rosoy, il faut quand même la monter en fauteuil non ? Marc nous rejoint et nous passons encore de superbes moments. J’interpèle Mats lorsqu’un couple dont la femme est en fauteuil arrive pour aller à la boulangerie. Le mari est obligé de laisser sa femme car une ridicule marche de moins de 10 cm de haut lui bloque le passage pour accéder au commerce. mats évidemment fait une photo. C’est le quotidien des personnes en fauteuil que d’être freinés, arrêtés, refoulés par des passages piétons qui ne sont pas en face des bateaux, par des trottoirs qui ne sont pas assez larges, par des ascenseurs dont les boutons sont trop haut, etc. Et Lars et Mats demandent aux handicapés d’aller vers les valides pour leur pointer tous ces problèmes. La solution d’un de ces problèmes est indispensable pour 10% des gens, nécessaire pour 40% et confortable pour le reste.

Nous nous rendons à la mairie à 14 heures et sommes accueillis par plusieurs élus. Je leur fait mes adieux, provisoires car nous avons un projet commun, et je les laisse aller transmettre une fois de plus leur message.

Quelle leçon ! Oui quelle leçon de modestie, d’abnégation, de courage, de volonté, d’efficacité nous ont donner ces hommes, le temps de leur passage, le temps d’une météorite. Mais comme les météorites, la trace de leur passage est présente encore très longtemps.

François Mativet

PS : si vous voulez les suivre, leur envoyer un message ou comprendre le leur :
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