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Jean-Pierre Berlan : De l’importance de s’intéresser à la réalité, à la marchandise vendue, et de la désigner par une expression adéquate

11 juin 2015, 18:07, par Yonne Lautre

Qu’est-ce qu’un Ogm réel, c’est-à-dire la marchandise vivante végétale à qui la modification génétique confère de nouvelles propriétés et dont les semences sont vendues sur un marché organisé selon des règles précises ? Quelles sont ces propriété nouvelles ? Quelles sont ces règles ?

Tout d’abord, une semence Ogm doit, bien sûr, être conforme à la législation qui régit la production et la commercialisation des semences, en particulier aux deux critères d’homogénéité et de stabilité.

Homogénéité : les plantes doivent être identiques aux défauts inévitables de fabrication près.

Stabilité : la même plante doit être vendue année après année

Le rôle du semencier est donc de faire des copies d’une plante sélectionnée pour ses qualités, c’est-à-dire de la cloner. Toutes les semences commercialisées sont donc des clones. Il suffit de regarder un champ de blé, orge, maïs, soja etc. pour constater que pas une plante n’y diffère de sa voisine.

Les Ogm sont donc des clones

La modification génétique leur confère de nouvelles propriétés. Lesquelles ?

Elles sont de deux types :

La première est la tolérance à un herbicide total, en général maintenant associée à la production d’une toxine insecticide. Un herbicide total pénètre dans la plante où il inhibe une fonction métabolique essentielle. La plante meure. La modification génétique bloque l’action de l’herbicide et la plante génétiquement modifiée n’est pas affectée par l’herbicide tandis que les « mauvaises herbes » meurent.

La modification génétique permet donc de transformer un herbicide total en herbicide spécifique, à un coût quasi nul si on le compare à celui de la recherche-développement d’une nouvelle molécule herbicide spécifique. C’est la méthode inventée par Monsanto pour arroser la planète avec son herbicide total fétiche, le glyphosate, au moment où, justement, les coûts faramineux de R et D de nouvelles molécules chimiques menaçaient l’existence même de l’industrie des Cides.

On peut observer que les adventices devenant elles-mêmes tolérantes au glyphosate, les fabricants de pesticides ont sorti du placard le premier herbicide total développé pour les besoins militaires au cours des années 1930 et 40, le 2-4-5D utilisé pour la première fois en 1951 pour lutter contre la guérilla birmane, puis en quantités massives au Viet-Nam comme défoliant. Ils fabriquent maintenant des plantes tolérantes au 2-4-5D, et mieux encore des plantes tolérantes au glyphosate et au 2-4-5D. Ces deux molécules chimiques sont peu métabolisées par la plante et ces herbicides entrent donc dans notre alimentation.

La deuxième est la production par la plante elle-même d’une toxine insecticide. La plante est, elle-même, un insecticide. La toxine insecticide entre dans notre alimentation.

Les Ogm, par conséquent, changent le statut des pesticides : de produits toxiques qui ne doivent pas entrer dans notre alimentation, ils en deviennent des constituants. Ils poursuivent la fuite avant commencée à la fin de la deuxième guerre mondiale : utilisation d’un pesticide, puis résistance croissante des cibles, puis accroissement des quantités utilisées, puis inefficacité du pesticide, puis introduction d’un nouveau pesticide et ainsi de suite. C’est exactement ce que démontrent les Ogm actuels qui empilent les traits de tolérance au glyphosate-Roundup et de production d’une toxine insecticide au fur et à mesure que les cibles deviennent résistantes. Les plus récents peuvent être tolérants au glyphosate Roundup et au 2-4- 5D et produire plusieurs toxines insecticides.

Le Président Sarkozy avait condamné les Ogm pesticides lors de la séance de clôture du Grenelle de l’Environnement, c’est-à-dire qu’il a condamné tous les Ogm réels. A juste titre, car il faut sortir de ce système pesticide mortifère et sans espoir. Malheureusement, il n’en a pas tiré les conséquences et, beaucoup plus grave, le mouvement de lutte contre les « Ogm » ne s’est pas engouffré dans la brèche qui, pour la première fois, appelait les choses par leur nom.

Les Ogm sont donc des clones pesticides

Enfin, les Ogm sont brevetés. Ils réalisent deux objectifs inscrits dans la logique du capitalisme industriel depuis les débuts de la Révolution industrielle : en finir avec :

 la gratuité de la reproduction des êtres vivants

 la diversité qui fonde le vivant

La production industrielle exige, en effet, des marchandises uniformes, stables, homogènes, standardisées, normalisées, comme le sont les canettes de Coca Cola. Contrairement à ce que l’on pense, la logique industrielle s’est étendue d’entrée à tous les aspects de l’activité humaine et le vivant n’y a pas échappé. C’est ainsi que, dès le début du 19ème siècle, les sélectionneurs commencent à mettre en œuvre la méthode moderne de sélection consistant à remplacer des variétés paysannes cultivées (le caractère de ce qui est varié, diversité) par des clones extraits de ces variétés. Mais comme on a continué à utiliser le terme « variété » pour désigner son contraire, c’est-à-dire les clones de l’agriculture industrielle, cette transformation fondamentale est passée inaperçue.

Les Ogm réels sont des clones pesticides brevetés.

Brevetés par qui ?

Par les industriels des sciences de la vie, un cartel de fabricants de pesticides, herbicides, insecticides, fongicides, gamétocides, larvicides, ovocides, acaricides, rodenticides, etc-cides qui ont pris le contrôle des semences au cours des 30 dernières années.

Pourquoi le brevet ?

Pour inciter à l’innovation comme le clame la directive européenne 98/44 sur la « brevetabilité des inventions biotechnologique ».

Or aucune étude n’a réussi à démontrer l’effet incitateur à l’Innovation du brevet !

Nos dirigeants commettent, au nom de l’Innovation, l’infamie de conférer un privilège sur la Vie à un cartel de fabricants de Mort qui doit sa fortune aux deux guerres mondiales.

L’étiquetage est un pas en avant, certes, mais bien timide.

Pourtant, le Président Sarkozy avait ouvert la voie en dénonçant les Ogm pesticides.

L’expression permettait de sortir de la confusion du vocabulaire et de comprendre ce que sont les Ogm réels.

Il est dommage que nous ne nous soyons pas engagés dans la brèche qu’il avait ouverte.

Notre tâche est donc :

 de revoir les lois semencières qui imposent de cultiver des clones (adieu la fameuse « biodiversité » !) et limitent la liberté de chercher d’autres méthodes de sélection, de production de semences et de culture.

 en finir avec le système pesticide qui poursuit l’empoisonnement de notre milieu de vie.

 

 en finir avec l’infamie du brevet du vivant, qui confère le privilège de la reproduction au Cartel des sciences de la Mort.

Enfin, il ne faut pas exclure la possibilité d’Ogm philanthropiques et verts qui « nourriront la planète et protégeront l’environnement ». Mais il est évident que ce ne sont pas les objectifs que le cartel des Cides poursuit avec ses clones pesticides brevetés. Les Ogm philanthropiques et verts sont ceux d’une société, elle-même philanthropique et verte, qui, pour ces raisons mêmes, n’en aurait pas besoin.

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