Accueil > ... > Forum 123133

L’état d’urgence dans la durée : comédie dramatique en plusieurs actes, par Isabelle Boucobza et Stéphanie Hennette-Vauchez

4 septembre 2017, 21:51, par Yonne Lautre

L’ensemble prend en effet désormais des allures de comédie dramatique. L’épisode estival au milieu duquel paraît cette nouvelle livraison de la Revue des Droits de l’Homme se joue en deux actes –à l’approche du deuxième anniversaire de l’état d’urgence.

2Acte I : l’adoption d’une 6ème (sic) loi de prorogation. L’avertissement du Conseil d’Etat, qui répète dans tous ses avis depuis celui rendu, en février 2016, sur la 2ème loi de prorogation, que l’état d’urgence est un régime d’exception qui n’a pas vocation à demeurer permanent, est bel et bien devenu incantation. À chaque fois en effet, de compétition sportive en consultation électorale en passant par la réitération d’attaques en France et ailleurs, la situation de « péril imminent » justifiant l’application de l’état d’urgence a finalement été jugée caractérisée. Renouvellement, donc : le Parlement a adopté, en trois brèves séances de débat et en formation considérablement réduite par un abstentionnisme qui mériterait d’être justifié, une nouvelle prorogation de l’état d’urgence jusqu’au 1er novembre 2017.

1 Loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement, Loi n° 2016-339 du 22 mars 2016 relat (...)

3Acte II : l’affirmation de la nécessité de doter la France d’un arsenal pénal authentiquement efficace contre le terrorisme, qui seul permettrait une « sortie maîtrisée » de l’état d’urgence et, partant, le « rétablissement des libertés des Français » (E. Macron, discours au Congrès, 3 juillet 2017). Faut-il comprendre que les 7 (sic) lois votées en la matière depuis 20121 (sans parler de toutes les précédentes adoptées depuis le milieu des années 80) ne sont pas satisfaisantes ? Certes non : ce n’est pas dans une auto-évaluation critique que le projet de loi n° 587 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme trouve son origine. C’est, bien plutôt, dans un tour de passe-passe qui vise à faire passer une normalisation de l’état d’urgence (ie. son inscription dans le droit commun) pour sa levée. Car la philosophie sur laquelle repose ce projet de loi promis à une discrète et rapide adoption au cœur de l’été (procédure accélérée oblige) est très claire. Puisque la menace terroriste est durable, la dérogation à certains principes cardinaux du droit pénal, de la procédure pénale, et plus largement du droit des libertés fondamentales doit l’être aussi.

4Mais justement : sommes-nous bien encore dans l’hypothèse d’une « dérogation » ? Ne s’agit-il pas, selon les termes mêmes du projet, de doter l’État « de nouveaux moyens juridiques de droit commun permettant de mieux prévenir la menace terroriste hors période d’état d’urgence » ? Bref, dans quel registre ce texte s’inscrit-il, celui du « droit dérogatoire » ou celui du « droit commun » ?

https://revdh.revues.org/3255

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Attention, votre message n’apparaîtra qu’après avoir été relu et approuvé.

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.