Au cours du XX° siècle, les méthodes d’agriculture ancestrales, ou traditionnelles, ont été remplacées d’abord dans les pays occidentaux juste dans l’après-guerre de 39-45, puis en quelques années presque partout dans le monde, par une ’agriculture moderne’ devenue la norme.

Celle-ci repose sur quatre piliers :

 la mécanisation où la traction animale a été remplacée par le tracteur ; et par laquelle les travaux saisonniers autrefois manuels sont maintenant réalisés à l’aide d’engins spécifiques : herse, semoir, batteuse-lieuse, moissonneuse-batteuse, enjambeurs, rampes à pulvérisateurs...

 les engrais minéraux remplaçant les pratiques de chaulage (sur terrains acides) et la fumure

 une sélection de semences hybrides de céréales, maïs et riz aux grains plus productifs

 et les pesticides destinés à combattre les ’insectes ravageurs’, à réduire la concurrence exercée par les adventices au moyen d’un désherbage chimique ; et à juguler les maladies des cultures, principalement celles provoquées par divers cryptogames (champignons) comme l’oïdium de la vigne, la septoriose du blé, le mildiou de la tomate, la tavelure des fruitiers...

Le recours à ces quatre moyens semblaient louables. Cette agriculture moderne, plus ’scientifique’, fut annoncée comme un progrès. Elle réduisait effectivement la pénibilité du travail physique des agriculteurs, améliorait le rendement des récoltes, et remédiait aux maladies.

L’objectif promu par les filières agro-alimentaires était de développer une agriculture capable de nourrir la planète au moment où se produisait un ’baby boom’. Il fut soutenu unanimement par la FAO et les planificateurs des états, et agréé par toutes les instances agricoles.

Toutefois, avec le recul de près d’un siècle pour la mécanisation et de 70 ans pour la pratique intensifiée des ’intrants’ (terme qui désigne l’apport aux cultures d’engrais et de produits phyto-sanitaires), il y a lieu de s’interroger sur le ’Mythe du Progrès’, qui est un concept de la pensée occidentale. Ce concept revient comme un leitmotiv à chaque fois qu’une invention permet à la technologie d’améliorer un domaine de production, voire de développer un secteur d’activité jusqu’alors inexistant. Ceci est autant vrai pour tous les ’champs’ industriels que pour ceux de l’agriculture. Ainsi l’agriculture se trouva-t-elle engagée dans une nouvelle direction, tout comme d’autres domaines : énergétique, industriel, sociétaux... considérés a priori comme des’promesses de progrès’ parce que pressentis pouvoir nous mener vers un ’avenir meilleur’...

C’est pourquoi il nous a semblé intéressant d’établir des parallèles avec quelques domaines (l’électricité-électronique-numérique, le nucléaire, la pétrochimie et la plasturgie, les médicaments de synthèse) -sans les développer-, avant de focaliser notre attention sur le domaine de l’Agro-chimie.

Et dans chacun de ces domaines qui se sont retrouvés en pleine mutation dans la 2° moitié du XX° siècle, il nous a paruopportun de se poser la question : vers quoi ces inventions, le recours à telle technologie, à ce type de chimie cela nous a-t-il conduit ? Comment cela a-t-il été mis en oeuvre ? Qu’est-ce que cela a permis ? quels en ont été les bénéfices pour l’humanité et les éventuelles conséquences ?

1/ L’électricité fut incontestablement une révolution énergétique permettant à tous de s’éclairer et de se chauffer, et aux usines de faire tourner les machines. Puis l’électronique, qui utilise l’électricité, du transistor à l’ordinateur et au smartphone, a permis les radio-communications, les calculs, la commande numérique de nombreuses machines et appareils électro-ménagers. Enfin l’informatique en utilisant l’électronique, grâce à l’adjonction de carte-mémoire et de logiciels, a rendu possible la gestion des entreprises, le stockage des données, des calculs d’une grande complexité à la vitesse de fractions de seconde qui ont permis aussi bien le pilotage des avions, l’envoi des premiers vols spatiaux habités, la mise sur orbite de satellites, que l’administration des entreprises, la gestion des affaires publiques, des collectivités, des hôpitaux, des banques et des fichiers des compagnies d’assurances... mais aussi les flux spéculatifs par les traders en fraction de seconde ! cela donne aussi la possibilité de suivre le trajet de missiles balistiques, et à certains états de mettre sous contrôle leurs citoyens. L’informatique permet d’obtenir des imageries par scanner ou IRM extraordinaires, elle permet l’assistance opératoire en neuro-chirurgie pour exérèse de tumeurs cérébrales, mais elle débouche aussi sur son utilisation par des pays totalitaires du procédé de reconnaissance faciale pour museler les populations. Elle permet les cyber-attaques contre des entreprises...

Déjà cet exemple permet de prendre conscience des ’bienfaits civilisationnels’ procurés par cet ensemble technologique très étendu, autant que ses dérives.

2/ L’énergie nucléaire avait pour but initial de libérer du coeur de la matière, par un procédé de fission atomique, une énergie gigantesque, renouvelable, presque sans limite ! L’humanité allait sortir des vieux combustibles comme le bois, le charbon, et le pétrole. Cette énergie, une fois maîtrisée, une fois les centrales nucléaires construites, serait quasiment disponible sans limite. Elle allait faire cesser la libération de CO2 responsable du réchauffement climatique.

Mais la première utilisation en 1944 fut accaparée par les militaires américains ! Et même en admettant que les 2 bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki firent capituler le Japon, et écourtèrent la guerre dans le Pacifique, il faut constater que cette utilisation militaire inaugurale ouvrit la voie à l’âpre course aux armements nucléaires. Sous prétexte de ’dissuasion’, l’accumulation monstrueuse de part et d’autre d’un ’rideau de fer’ laissa planer le risque pendant toutes les années de ’guerre froide’ d’une guerre atomique, qui aurait été incroyablement destructrice. Si les frontières problématiques se sont modifiées, le nombre de pays qui possèdent l’arme atomique a de quoi inquiéter.

A quoi a servi ce ’progrès’ technologique qui fait toujours peser au-dessus de nos têtes, telle une épée de Damoclès, l’éventualité d’un conflit nucléaire ? On peut répondre : le nucléaire civil. Effectivement ! Il a fini par être développé. La France en a fait un argument d’indépendance énergétique. Mais au prix de quels risques, lorsqu’on considère les 3 accidents majeurs déjà survenus :

Le premier accident sérieux est arrivé en Mars 1979 à la centrale nucléaire américaine de Three Mile Island, lorsqu’un défaut de refroidissement provoqua la surchauffe du 2° réacteur (Unit2), et sa fonte partielle. A distance de l’évènement, une augmentation des leucémies et des cancers du poumons a été enregistrée en Pennsylvanie et imputée à la fuite radioactive. Cet incident majeur aurait déjà dû nous alerter sur les risques liés au nucléaire.

Depuis, sont arrivés les accidents dramatiques des centrales de Tchernobyl en Ukraine en Avril 1986 et de Fukushima au Japon en Mars 2011.

Si l’option du nucléaire est maintenu, il peut permettre de sortir des combustibles fossiles (avec d’autres énergies complémentaires renouvelables hydrauliques, éoliennes, ou géothermiques). Mais avec quels niveaux de risque, lorsque l’on considère que les surgénérateurs nucléaires dont l’avantage est d’utiliser l’uranium 238 représentant 99% du minerai d’uranium, sont plus difficiles à maîtriser ? Par ailleurs, le coût exorbitant du démantèlement pendant 20 ans de chacune des centrales parvenues en fin de vie est à considérer. Enfin, se pose toujours le problème quasiment ’insoluble’ des déchets nucléaires que l’on immerge en mer ou que l’on enterre dans d’anciennes mines, avec la nécessité que les bidons résistent pendant des milliers d’années !

3/ La chimie du pétrole, appelée ’Pétrochimie’, a donné naissance à de très nombreux produits : des carburants comme le fuel, l’essence et le kérosène utilisés pour faire tourner les moteurs de camions, bateaux, voitures et avions ; mais aussi de très nombreux produits de raffinage comme les solvants, les lubrifiants, les vernis synthétiques... Elle a engendré l’industrie des plastiques ou plasturgie : un procédé de polymérisation a permis de fabriquer ces milliers d’objets de consommation courante qui va des ustensiles de cuisine, bouteilles et containers, canots, tableaux de bord des véhicules, cloisons et fenêtres en PVC, linoléum, textiles synthétiques comme le nylon et l’acrylique... et bien sûr ces milliards de sacs en plastique utilisés quotidiennement, puis jetés. Le problème est que ces matières plastiques mettent très longtemps à se dégrader dans la nature (entre 400 et 500 ans en moyenne ; pour certains, on estime jusqu’à 1000 ans ! ), et lorsqu’elles sont incinérés, elles dégagent des gaz toxiques. Faute d’avoir recyclées à temps, elles ont été enfouies dans des décharges ou ’dispersées’, entrainées par les cours d’eau dans les océans où leur accumulation a fini par constituer l’une des pires pollutions de la planète : le fameux ’6° continent’ flottant dans des zones océaniques où les courants les ont concentrées. Elles perturbent les échanges gazeux en surface de la mer, et intoxiquent les poissons qui les ingèrent. Et personne ne sait comment s’en débarrasser.

D’un point de vue écologique, l’invention des matières plastiques, leur usage mondialisé de façon inconsidérée, n’on rien qui les apparente à un ’progrès’ : ils sont une catastrophe ! Ce qui serait désormais un ’progrès’, serait de convaincre (voire d’obliger légalement) les fabricants à renoncer à la fabrication des sacs en plastique, remplacés par des sacs en matériau d’origine naturelle, facilement biodégradable (ce qui exclut des fibres obtenues par polymérisation de matériel végétal, elles aussi difficilement dégradables !)

4/ Cette même chimie de synthèse s’est orientée vers la fabrication de médicaments, avec l’idée que des molécules ont la propriété d’agir sur le corps, sur ses métabolismes et ses systèmes enzymatiques. Elle a d’abord choisi d’imiter les formules chimiques des substances naturelles identifiées dans les plantes reconnues médicinales. Puis, greffant des radicaux ici et là, elle a synthétisé des molécules de plus en plus complexes, inconnues de la nature, destinées à bloquer les enzymes qui catalyse la biosynthèse ou la dégradation des composants biologiques, comme des hormones ou des neuro-transmetteurs. Ou bien, ces substances synthétiques se fixent directement sur des récepteurs pour contraindre des réactions physiologiques. Ces médicaments chimiques de synthèse, ’fleurons’ de la médecine moderne, rendent incontestablement des services. Ils sont anti-infectieux, anti-inflammatoires, antispasmodiques... Ils enrayent l’évolution de certaines maladies chroniques, sans toutefois les guérir, au prix bien souvent d’effets iatrogènes plus ou moins importants (comme des réactions allergiques, des ulcères digestifs, une hépatotoxicité, ou des altérations des tubules rénaux).

Une autre conséquence de cette médecine qui se targue d’être ’scientifique’ et se glorifie de ses succès à court terme par exemple dans les infections ou en réanimation, refoule de plus en plus les médecines traditionnelles qui eurent leur rôle thérapeutique depuis plusieurs millénaires. Elles avaient recours, dans la plupart des cas, à des plantes médicinales qui réactivent les défenses affaiblies du malade, stimulent ses défenses immunitaires, agissent physiologiquement de façon plus douce, régulière, sur les processus impliqués dans les maladies chroniques.

Le risque existe, pour les populations qui ne se soignent plus qu’à coup de médicaments chimiques, est d’intoxiquer graduellement leurs organismes, en particulier au niveau hépatique. Ensuite, l’organisme intoxiqué devient plus fragile, de plus en plus dépendant des médicaments, comme c’est le cas des anxiolytiques. On s’aperçoit que plus les patients sont polymédicamentés, plus apparaissent des pathologies latérales ou induites (hépatiques, intestinales, rénales, thyroïdiennes, neurologiques, cardio-vasculaires, endocriniennes...). La Médecine est donc confrontée à s’interroger sur le ’progrès’ accordé à ces médicaments synthétiques. Elle doit en permanence faire l’évaluation du bénéfice/risque. Elle devrait se poser cette question fondamentale : supprimer artificiellement certains symptômes, est-ce ’guérir le malade’ ?

5/ Nous en venons donc à l’Agro-chimie née dans l’après-guerre (1939-45) de la chimie des explosifs et des gaz de combats, qui avaient été inventés pour les besoins de la guerre par plusieurs firmes chimiques comme BASF, BAYER, AGFA... regroupées par le pouvoir nazi dans un consortium nommé IG FARBEN. Comme il existait des stocks énormes d’explosifs à base de Nitrate, les chimistes trouvèrent le moyen de les convertir en engrais azotés, dont ils convainquirent les agriculteurs de les utiliser. L’Azote était en effet connu pour améliorer la croissance et le rendement des cultures, notamment celles des céréales sur des terres pauvres. Dans les années 1955-60, j’ai vu en Champagne des hectares de bois rasés sur les pentes des plateaux où du blé planté poussait sur de la craie à force d’engrais. Ainsi furent écoulés de part et d’autre de l’Atlantique des millions de tonnes de poudre-à-canon reconvertie en Azote minéral pour fertiliser les cultures.

Dans le même temps dans les années 1944 et suivantes, la molécule de DDT, qui avait été reconnue comme un puissant insecticide dès 1930, fut utilisée largement par l’armée américaine pour traiter les combattants et les prisonniers libérés des camps contre le typhus et d’autres parasitoses. Puis le DDT fut utilisé à large échelle en Asie et en Afrique pour éradiquer le moustique anophèle, agent du Paludisme.

Les firmes américaines de l’époque MONSANTO et DUPONT de NEMOURS, allemandes BASF, et suisse BAYER se lancèrent dans la chimie de synthèse dans le but louable à l’origine, d’éradiquer les maladies cryptogamiques qui menaçaient périodiquement les cultures de céréales, de riz, de maïs, ainsi que celles de la vigne, des légumes et des fruitiers. La ligne directrice fut la même que le concept retenu en médecine : innover dans des molécules de synthèse pour traiter le végétal, comme : l’oïdium de la vigne, la septoriose du blé, la rhynchosporiose de l’orge, le botrytis ou pourriture grise des raisins et des légumes, le mildiou de la tomate, la tavelure des pommes... toutes maladies qui abaissaient le rendement des récoltes, voire risquaient de les rendre invendables.

Les produits commerciaux utilisés insecticides et fongicides furent initialement si efficaces qu’on cria au ’miracle’. Mais rapidement apparurent les premières résistances qui obligèrent à trouver de nouveaux produits. Un revers... mais aussi une ’aubaine’ pour les fabricants qui inventèrent, fabriquèrent et commercialisèrent des centaines de molécules nouvelles, mise sur le marché sous des milliers d’appellations différentes. Ainsi fut mis en place un gigantesque système agro-chimique de fabrication et de distribution de ’produits phyto-sanitaires’ (comme on les appelle). Les mêmes firmes assurent la promotion publicitaire, le conseil par des techniciens, et la vente de leurs produits en faisant en sorte que les agriculteurs soient rendus dépendants. Cette dépendance fut réalisée tout d’abord en s’associant aux semenciers qui sélectionnèrent des hybrides stériles mais plus productifs, avec des grains plus gros, et donc de meilleurs rendements à l’hectare. Mais ces semences hybrides ne peuvent plus être re-semés par les agriculteurs. Les agriculteurs devinrent donc dépendants de l’achat annuel de nouvelles semences. Mais comme elles sont aussi plus sensibles aux maladies, les agriculteurs se voient contraints de traiter préventivement (et parfois en curatif) leurs cultures vulnérables contre les maladies. Les fabricants furent à ce point inventifs qu’ils mirent au point des semences déjà enrobées de pesticides !

Les paysans avaient eu l’habitude, traditionnellement, de retourner la terre pour enfouir les ’mauvaises herbes’, puis de sarcler le sol pour éviter les repousses. Les firmes les convainquirent de changer de pratique en traitant leurs champs systématiquement avec des herbicides. Au moins, c’est simple et radical ! Le témoins d’une agriculture impeccable, c’est de présenter des champs ’propres’. Un comble ! lorsque cela signifie que les dits champs viennent d’être pollués en profondeur par des molécules d’herbicides qui se sont révélées très toxiques pour les milieux aquatiques (plantes aquatiques et algues). En s’attaquant sans distinction à toutes les plantes indésirables qui n’ont plus rien à faire dans les cultures, les pesticides ont désorganisé l’équilibre qui régnait entre les adventices, elles ont massacré tout l’écosystème. Les plantes messicoles que l’on admirait à l’époque des moissons comme les Coquelicots et les Bleuets ont presque entièrement disparu de nos campagnes, tout comme la Bourrache, la Chicorée... A leur place, se sont développées des Dicotylédones devenues résistantes comme l’Amarante réfléchie, la Morelle noire, le Géranium disséqué, la Mercuriale, et les Véroniques... tandis que, chez les graminées sauvages, la Folle Avoine et le Vulpin deviennent envahissants.

Alors les firmes agro-chimiques répliquent en sortant de nouveaux herbicides et en concoctant des ’mixtures’ d’herbicides pour pallier aux résistances, ciblant à la fois les Dicotylédones et les Poacées. Malheureusement les toxicités de ces mélanges s’additionnent par ’effet cocktail’.

La dernière trouvaille des chercheurs de MONSANTO concernant les herbicides fut de concevoir une molécule à laquelle une plante OGM c’est-à-dire génétiquement modifiée pouvait avoir acquis une résistance spécifique à cet herbicide. Ainsi fut commercialisé le GLYPHOSATE connu pour stériliser les champs avant de semer, dans les cultures industrielles à large échelle de Maïs transgénique aux USA et au Brésil, de Soja OGM au Brésil, et de Coton OGM en Ouzbékistan et en Inde.

L’ensemble des pesticides (insecticides, herbicides, et fongicides) utilisés actuellement de façon systématique et massive dans les cultures de presque tous les pays, sont dramatiquement responsables de :

 la pollution des sols et des milieux aquatiques, des nappes phréatiques, et des zones de captage d’eau potable

 l’extinction des espèces : les premiers à en souffrir ont été les Abeilles et autres insectes pollinisateurs avec les graves conséquences que l’on connait quant à la baisse de fécondation des arbres fruitiers et des plantes ; mais aussi d’une multitude d’autres insectes comme les coccinelles (qui sont les prédateurs naturels des pucerons), scarabées, hannetons, sauterelles... Une augmentation de la mortalité des vers de terre entraine un effondrement du travail du sol que ces auxiliaires assument. Ont été plus ou moins affectés aussi les rongeurs et les oiseaux chez qui sont observés une réduction des pontes et une fragilité des coquilles d’oeufs.

 l’intoxication des Humains, tant par l’air respiré qui contient des pesticides volatiles à l’époque des épandages, que par l’eau du robinet issu de captages pollués contenant la molécule-mère et aussi des métabolites dont certains sont toxiques. Une intoxication chronique s’exerce aussi de façon invisible par les résidus alimentaires de pesticides très utilisés dans les cultures, de céréales par exemple ; on en retrouve les résidus dans le pain, les viennoiseries, les pâtisseries, les corn-flakes et pépites de céréales que prennent nos enfants et petits-enfants au petit déjeuner. Les fongicides contre l’oïdium et le mildiou sont retrouvés à des taux importants mais variables dans tous les échantillons de vins non-bio (et même dans les vins bio, toutefois en très petites quantité). Parmi les fruits, les pommes qui reçoivent environ 30 traitements annuels sont les plus chargées en pesticides résiduels. Les agrumes sont traitées en post-récolte avec des conservateurs et des fongicides incorporés dans des cires qui leur confèrent un bel aspect satiné tout en les préservant des moisissures. Les bananes en provenance de Martinique ont pendant des années contenue de la Chlordécone, maintenant interdite ; mais celles que l’on importe d’Afrique sont systématiquement traitées par des pesticides dangereux interdits dans l’Union Européenne mais autorisés ailleurs ; ce qui est le cas également pour les Ananas en provenance d’Amérique du Sud, des Limes du Brésil, ou des Avocats du Pérou ou du Costa Rica. Ainsi autorise-t-on l’importation de fruits et de légumes cultivés à moindre coût dans des pays en voie de développement chez qui sont employés des pesticides particulièrement dangereux qui ne sont plus autorisés chez nous ! Quelle hypocrisie, tout à fait légale !

Tout aussi grave et bon exemple de ’manquement’ voulu, le fait qu’aucune étude épidémiologique à long terme n’ait été menée chez l’homme sur un échantillon de population suffisamment important pour être significatif ; si bien que le dosage cumulatif sur plusieurs années d’une liste donnée de pesticides couramment retrouvés dans l’alimentation, n’a jamais été fait.

Toutefois, sur la base de dosages ponctuels dans la population affirmant l’absorption de ces pesticides alimentaires, et sur la base des expérimentations animales conduites en exposition chronique sur 2 ans, les scientifiques ont pu établir une corrélation entre cette ingestion chronique de résidus de pesticides, même à doses faibles mais répétées, avec des pathologies humaines en augmentation comme :

 des syndromes d’obésité juvénile et de puberté précoce qui ont été reliés à des perturbateurs endocriniens

 et la survenue de leucémies, et de divers types de cancers (comme les glioblastomes, le cancer du sein, celui de la thyroïde et de la prostate, les cancers colo-rectaux... que l’on observe chez des patients de plus en plus jeunes

 des maladies neuro-dégénératives dont les médecins voient apparaître des formes nouvelles, atypiques, chez des patients plus jeunes : comme des formes démentielles de maladie de Parkinson, et divers types de démences rattachées à la maladie d’Alzheimer, dont le Trouble Cognitif léger (ou Mild cognitive Impairment MCI) serait une forme précoce.

Alors une question surgit : où y-a-t’il un ’progrès’ dans cette agriculture ?

En quoi est-ce un progrès de produire des denrées alimentaires avec des variétés sélectionnées comme soit-disant meilleures, mais qui requièrent d’être traitées systématiquement par des pesticides destructeurs de la Biodiversité et dont les résidus alimentaires intoxiquent les hommes ?

En quoi le fait d’invoquer de ’meilleurs rendements’ obtenus au prix de telles nuisances, dont le fait que la faune soit décimée et les humains tombent malades, constitue une ’révolution agricole’ ?

Au nom de quoi cette agriculture intensive dont les méthodes détruisent l’environnement (les haies, les fossés, les forêts), déciment les pollinisateurs, désorganise l’équilibre de la flore et de la faune, tuent les plantes aquatiques, intoxiquent les rongeurs, les oiseaux, les mammifères, rendent l’Homme malade, devrait elle être encensée et poursuivie ?

Les arguments avancés par les firmes agro-alimentaires sur le fait que cette agriculture conçue comme sur un modèle industriel est la seule rentable et la seule à pouvoir nourrir la planète, est une imposture. Car d’énormes surfaces de terre sont gaspillées pour cultiver du mais et du soja transgéniques dans le seul but d’une alimentation d’un cheptel bovin déjà trop important (l’homme n’ayant pas besoin de manger de si importantes quantités de viande !). Et beaucoup d’autres surfaces de culture, empiétées sur les forêts (Amazonienne, Indonésienne, et d’Afrique centrale), dédiées à des plantes oléagineuses comme le Palmier à huile, le Colza et le Tournesol sont maintenant réservées à fabriquer du carburant : appelé mensongèrement ’Bio’-carburant : une ineptie absolue ! alors que sur les mêmes surfaces, une polyculture avec des méthodes agro-écologiques permettrait de nourrir bien plus d’humains encore.

C’est donc une imposture de faire croire en un modèle moderne vertueux, un mensonge d’affirmer que le modèle agro-chimique actuel est le seul viable et le seul rentable ; tandis que la rentabilité profite surtout aux vendeurs de semences hybrides, aux constructeurs d’engins agricoles, et aux firmes chimiques qui vendent engrais et pesticides massivement. Leur profit est considérable (il se chiffre en dizaines de milliards). L’agriculteur, lui, est devenu l’otage d’un système qui profite à d’autres, le prisonnier des dettes contractées pour son matériel, ses engrais, et ses produits phyto-sanitaires. Mis à part quelques très gros agriculteurs ou éleveurs qui s’en sortent bien, la plupart des agriculteurs ont vu leurs bénéfices se réduire au fil des années. Le prix des grains fluctue en fonction de l’offre et de la demande. Ne pouvant prendre aucun risque, ils sont contraints à asperger copieusement leurs cultures de craindre de voir une baisse de leurs récoltes. Ils dépendent des fonds agricoles européens (les PAC). Aussi, beaucoup d’entre eux, surendettés, gagnent mensuellement moins que le Smic.

Ce qui apparait très grave, c’est que cette politique agro-commerciale mondiale prônée par les grandes firmes agro-chimiques connues soit soutenue par les pouvoirs publics des états dont les Ministres de l’Agriculture, enseignée dans les écoles d’agriculture, soutenue pendant des décennies en France par des Instituts de recherche agricole comme l’INRA, par les Chambres d’Agriculture, par le Syndicat majoritaire des agriculteurs qui est la FNSEA... L’échec complet du Plan ECHOPHYTO entre 2008 et 2018 qui devait réduire de -50% les pesticides, et a vu une augmentation de 24% sur les dix ans, démontre s’il en était nécessaire la supercherie des élus qui n’ont pas voulu faire appliquer ce plan !

Et pendant ce temps perdu, l’intoxication généralisée de la Terre et des Humains par les pesticides perdure.

Pourtant, c’est une évidence que ce système doit cesser. Ayons le courage de le reconnaître : les orientations agricoles prises ont mené à un désastre. Même la FAO, cette instance de l’ONU pour l’alimentation mondiale a été dupée avec la ’Révolution verte’, promise pour sortir l’agriculture des pays pauvres du marasme, et qui, du fait des choix agro-chimiques et OGM, s’est soldée par un échec.

Nous devons en conclure que si ce système agricole continue comme avant, en toute connaissance de cause, cela est et sera le signe d’une malhonnêteté généralisée, avec la complicité des élus, et la duplicité de certaines instances scientifiques y compris médicales. Et les firmes connues continueront sciemment de vendre leurs poisons mortels à cause de leur cupidité, de leur mercantilisme. Dans l’attente de mesures drastiques de réduction des pesticides, assortie de contrôles stricts, le fait de persévérer à accorder des autorisations de polluer, les pratiques de répandre des pesticides dans des espaces polluants les captages, et l’épandage à proximité des habitations devraient être poursuivis en justice pour ’mise en danger de la vie d’autrui’, comme cela a déjà été tenté à titre d’ Écocide.

Mais les firmes continuent leur infâme business avec l’accord des autorités européennes (ou autres) ! la preuve :

’Plus de 80.000 tonnes exportées depuis l’UE dont plus d’un tiers par Syngenta. Grâce à des données exclusives, Public Eye et Unhearted révèlent pour la première fois l’ampleur de l’exportation de pesticides interdits depuis l’Union européenne. Au coeur du scandale : l’hypocrisie d’un système législatif qui permet aux sociétés agrochimiques de continuer à inonder des pays comme le Brésil, l’Inde ou le Maroc de substances jugées trop dangereuses pour être utilisées dans l’UE. Le géant bâlois Syngenta est le numéro un de ce commerce’ (Communiqué de presse de Public Eye, Lausanne 10/09/2020)

Sur les 81.615 tonnes constituées de 41 pesticides exportés, le Paraquat représente à lui seul 28.000 tonnes. Interdit depuis 2007 par l’UE, le Paraquat est un herbicide très toxique qui nuit à la santé des travailleurs agricoles, entraine une fibrose pulmonaire, et peut être mortel.

Le système agricole actuel, entièrement fondé sur l’agro-chimie, doit cesser. Il est temps de le remplacer par de nouvelles méthodes agricoles saines. Et l’économie liée à cette agriculture et à la grande distribution doit être régulée et transparente.

A mes yeux d’écologiste, le « progrès » ne consiste pas en une régression vers un passé moyenâgeux (et pourquoi pas néolithique !), mais à refaire un choix d’agriculture, d’économie et de société qui n’engendre plus de nuisances ; et qui n’engendre pas d’injustice sociale ! Il y aura un progrès manifeste le jour où, contrairement au constat actuel, nous aurons réussi à développer des solutions saines et pérennes, comme le propose l’Ecologie pour le bien-vivre de toutes les populations, de tous les pays. Bien évidemment, les nouvelles orientations, les moyens retenus de mise en oeuvre, et leur réalisation « au service » des gens sont incompatibles avec des firmes agricoles, des pratiques industrielles ou des montages financiers dont le seul but est de tirer profit d’un secteur d’activité exploitable. Les objectifs et la démarche sont fondamentalement différents. 

La moindre éthique (si tant est qu’elle existe encore dans le monde de la chimie, chez les politiques, et dans les couches de la population qui optent pour le silence !) vaudrait que les pesticides soient interdits, et que de nouvelles pratiques agricoles saines et écologiques soient mises en oeuvre. Il y aurait aussi parmi celles-ci l’abandon des dits ’Bio’-carburants, une limite fixée à la culture des palmiers à huile pour le seul usage alimentaire... Un vaste programme mondial d’aide à reconversion agricole dans tous les pays serait instauré, mutualisé... Il faudrait aussi mettre en place des plans de reforestation, étendre des zones protégées...

Vaste programme, qui mériterait l’action d’ ’hommes intègres’, tant les obstacles sont nombreux et puissants. Et si le changement nécessaire ne se fait pas par les politiques, par la ’voie des ministères’, ce sera aux citoyens, aux agriculteurs eux-mêmes lorsqu’ils auront réalisé dans quel système il ont été ligotés et bernés, et aux hommes de bonne volonté de se mobiliser.

Quand aurons-nous le courage de le mettre en oeuvre ?

15 Septembre 2020

Par Coqueret Dominique (Dr)

Le mercredi 16 septembre 2020

Mis à jour le 16 septembre 2020