Tout commence avec la crise de 2008 - Crise écologique ? Crise climatique ? Non, crise
économico-financière ! Voilà, le ton est donné : la motivation de cette planification tient
dans l’économie. La forêt est vue avant tout comme une ressource à exploiter dans une
optique de croissance. Tout au long du document on voit la volonté de cacher la réalité
extractiviste sous un camouflage « vert », le mot « gestion » est systématiquement
associé au mot « durable », ça ne mange pas de pain.
L’objectif de la « modernisation de la structure de la forêt privée » (sic) c’est de la rendre
« plus compétitive et créatrice de valeurs ». La région va « aider les investissements
pour améliorer la performance » !
Encore plus d’abatteuses, de débusqueurs, de camions pour qui la région va financer un
« maillage de la desserte » ! Quand on arrive aux objectifs opérationnels, ils touchent
avant tout à l’économie et quand on aborde les problèmes environnementaux comme le
climat, on parle « d’adapter les essences » tout en prônant un « développement du bois
énergie » !
C’est la raison d’être de ce Contrat qui constitue le problème originel, fondé uniquement
sur des motivations économiques de court terme, il s’inscrit dans les vieilles stratégies
de plan.
1- Le Contrat privilégie la compétitivité de la filière :
La récolte future est estimée non pas dans la forêt mais sur une extrapolation des volumes
actuellement traités par les industries de la première transformation. Le Contrat organise
l’augmentation des coupes de bois : regroupement des petites parcelles, nouvelles dessertes
forestières, aides à l’équipement (engins toujours plus gros, plus porteurs et au final plus
lourds), « communication » auprès des élus, du public, des scolaires... Il augmente encore
les pressions sur les massifs les plus productifs, au point pour certains de les spécialiser
(par exemple le massif du Morvan dans la production intensive du résineux) et/ou de les
surexploiter.
> Le Contrat ne prend pas en compte les autres enjeux de nos territoires !
2 – De simples « précautions » et « préconisations » pour préserver nos forêts des dérives productivistes :
Le volet environnemental du Contrat se réduit à des « précautions » et « préconisations »
généralistes. La grande majorité (90 %) des forêts de la Région est classée en « peuple-
ments de type 3 » prétendus sans enjeux particuliers, et pour lesquels on ne s’interdit
aucune dérive. Pire, le Contrat ne dit ni où, ni comment les prélèvements supplémentaires
se feront et n’en évalue pas les conséquences sur la nature, l’eau et les paysages.
> Dans un contexte d’intensification sylvicole et de standardisation de la production, la
régression environnementale est certaine !
3 – Reboiser avec du résineux, améliorer avec du résineux...
L’augmentation de la récolte pose la question du renouvellement et de l’amélioration des
peuplements. Dans ce modèle intensif, le coût du reboisement après la récolte (coupe
rase) repose en partie sur la collectivité avec les aides publiques. Mais l’amélioration des
peuplements n’est vue que du point de vue économique. Plus grave, elle cache un objectif
moins avouable : adapter la forêt à la demande de l’industrie et notamment soutenir les
plantations résineuses – avec une nouvelle vague de transformations de forêts en planta-
tions – même quand elles ont de « bonnes potentialités économiques » (sic).
> La production industrialisée du résineux est celle qui impacte le plus le patrimoine
naturel et le climat : nous ne comprenons pas le soutien politique et financier de la
Région !
4 – Une forêt multifonctionnelle découpée en rondelles :
La forêt multifonctionnelle répond aux 3 fonctions économique, environnementale et
sociale. Or dès lors que l’on sépare ces 3 fonctions, notamment en privilégiant localement
la fonction de production, on quitte la multifonctionnalité et on entre dans la spéciali-
sation. Or le Contrat ne précise ni l’échelle, ni les critères d’appréciation de la multifonc-
tionnalité, diluant ainsi les effets de l’industrialisation sylvicole. La multifonctionnalité des
forêts n’est pas une vue de l’esprit mais le cadre du maintien d’un équilibre vital entre la
satisfaction des besoins économiques immédiats, la pérennité et les autres fonctions de la
forêt.
> Le Contrat se doit de garantir une gestion durable et (réellement) multifonctionnelle
de nos forêts !
5 – Climat : tous responsables ?
La forêt est l’un de nos meilleurs (et derniers) atouts pour l’atténuation du réchauffement
climatique. Elle est en même temps soumise aux pressions climatiques qui bousculent les
équilibres en place. Certaines pratiques sylvicoles intensives mettent en péril ces équilibres
et ne doivent pas recevoir de soutiens publics : coupes rases, monocultures et enrési-
nement.... Au contraire, nous attendons de la Région qu’elle oriente les financements
publics vers des alternatives sylvicoles qui ont fait la preuve de leur pertinence écono-
mique, environnementale et sociale, comme la gestion en futaie irrégulière et diversifiée.
> Il est de notre responsabilité collective de ne pas ajouter de pressions sylvicoles aux
pressions climatiques !
6 – Forêt et carbone : ne nous laissons pas abuser !
Moins une forêt est gérée, plus elle est efficace au titre du réchauffement climatique,
notamment par la séquestration du carbone dans la biomasse et dans le sol. Une forêt
mature n’est pas saturée : elle continue à capter du carbone et surtout à l’immobiliser
dans les horizons profonds du sol. Plus dense et plus vivante, la forêt est plus performante
qu’un peuplement éternellement jeune qui ne stocke que sur la durée de son cycle, dans
des conditions de sylviculture « dynamique » qui portent atteinte au bon fonctionnement
du sol.
L’usage du bois (même en intégrant le recyclage et la substitution avec d’autres matériaux
ou énergies d’origine fossile) ne compense pas les pertes en volumes et en durée de stockage
occasionnées en forêt par l’activité sylvicole. Il ne s’agit cependant pas de s’interdire de
produire le bois dont notre société a besoin, mais de le faire dans les meilleures condi-
tions carbo-climatiques possibles avec les bons choix sylvicoles : favoriser le mélange des
essences et les synergies locales, allonger les cycles, privilégier les traitements irréguliers...
> Le Contrat ne se positionne pas sur les orientations de sylviculture qui permettent
de maintenir ou d’améliorer le bilan carbone : grave manquement, car le réchauffement
climatique ne nous attend pas !
7 – Un Contrat entre l’État et les acteurs économiques
Les associations environnementales (qui représentent la société civile) ont été consultées
au cours de la rédaction du Contrat, sans que leur avis ne soit réellement pris en compte.
Au final la récolte attendue est précisément chiffrée et organisée, mais les grandes orien-
tations pour la forêt restent très généralistes, en particulier sur l’équilibre entre l’augmen-
tation de l’activité sylvicole, la préservation du milieu naturel, du climat et l’attractivité
des territoires. En réalité, le Contrat se défausse sur les directives et stratégies régionales
sylvicoles à venir auxquelles les associations ne sont pas invitées à participer : le débat sur
la forêt se poursuivra à huis clos. La Région vient de manquer une occasion d’exprimer ses
nouvelles compétences.
Aux arbres, citoyens !
SOS Forêt regroupe des forestiers, des associations environnementales
et des citoyens qui militent pour une autre approche
de la forêt et de la sylviculture : produire du bois de qualité,
transformé localement, dans le respect de la forêt, de nos paysages
et surtout dans l’intérêt des générations futures.