Rubriques > Chroniques, Entretiens & Dessins de Presse > Chroniques >

Sécheresse en Catalogne : des solutions au-delà des restrictions

Chroniques & Publications

 Sécheresse en Catalogne : des solutions au-delà des restrictions 26.11.23
Article de la Taula del Llobregat traduit en français : https://taulallobregat.org/mes-enlla-de-les-restriccions-la-sequera/

Beaucoup de gens ne se rendent plus compte que nous sommes dans une situation de sécheresse sévère, parce qu’il a plu un peu récemment, que les températures sont plus basses et que nous finissons par penser que ce n’était qu’un problème d’été. La réalité est tout autre : nous ne disposons que de 19 % des réserves d’eau, la sécheresse pluviométrique est toujours extrême et nous sommes toujours en train de nous battre pour que les systèmes d’approvisionnement en eau ne tombent pas en panne !

Tout d’abord, il faut parler de l’évolution politique et de l’évolution de la gestion de l’eau. Le nouveau plan de gestion du district hydrographique de Catalogne pour la période 2022-2027 a été récemment approuvé. Il définit les mesures de gestion des bassins internes (52 % du territoire, le reste des bassins de Catalogne étant géré par l’État) et des eaux souterraines et côtières associées. L’attention du public se concentre principalement sur les mesures proposées pour améliorer les infrastructures d’approvisionnement afin de faire face à la sécheresse, ce que l’on pourrait appeler les "usines à eau". On parle d’usines de dessalement et de régénération, et des voix s’élèvent pour réclamer la fin de l’interconnexion des bassins entre eux par le biais de canalisations qui parcourent le pays de long en large.

Il est important de rappeler que ces usines à eau apportent de la flexibilité, mais ont un coût économique, social et environnemental très élevé, et ne peuvent étancher une soif infinie. Par exemple, le réseau de distribution ATLL a déjà annoncé qu’il augmentera cette année le prix de l’eau en raison de la consommation d’énergie des usines de dessalement qui fonctionnent à 100 %. Par ailleurs, les interconnexions et les transferts sont également une mesure piège : l’Èbre et le Sègre souffrent de la sécheresse comme les autres bassins et ne peuvent fournir toutes les ressources en eau que l’on imagine lorsqu’on réclame des transferts d’eau.

Le cœur du problème est que nous parlons souvent du manque d’eau, sans nous interroger sur la quantité d’eau dont nous avons réellement besoin et sur la dynamique qui sous-tend ces demandes. Le nouveau plan de gestion de l’eau ne pourra pas résoudre la pénurie si tous les autres plans et programmes promus par les autres départements ne sont pas impliqués : agriculture, urbanisme, tourisme, industrie et autres. Des solutions conjointes sont nécessaires. La sécheresse ne peut pas être abordée uniquement du point de vue de la gestion de l’eau ; une vision territoriale doit être adoptée, sachant que toutes les activités du pays ont un impact sur l’hydrosystème. En outre, le diagnostic du plan lui-même est sombre : seuls 36 % des cours d’eau ont un débit permettant leur fonctionnement écologique, plus de la moitié des aquifères sont pollués et il est prévu d’installer une piste d’atterrissage sur l’une des rares zones humides restantes.

Les mesures visant à réduire la dégradation de l’environnement sont les plus importantes pour augmenter notre capacité à faire face aux sécheresses, et il serait important d’en parler davantage. D’autre part, le plan présenté par l’ACA (Agència Catalana de l’Aigua) comprend également de nombreuses mesures visant à réduire la dégradation de l’environnement, "la source commune" dont tout dépend. Il faut souligner que cette source commune n’est pas extérieure, mais que l’eau dont l’environnement a besoin est celle que nous investissons pour maintenir les conditions de vie de toutes les espèces, y compris les nôtres. Par exemple, la restauration des aquifères pollués et surexploités peut augmenter la quantité d’eau disponible en cas de sécheresse, car ils contiennent beaucoup plus d’eau que ce que nous pouvons stocker dans un réservoir ou produire par dessalement. Par conséquent, ces mesures sont vraiment les plus importantes pour accroître notre capacité à faire face aux sécheresses, et il serait important d’en parler davantage. Il est tout à fait contradictoire de continuer à promouvoir des macro-projets qui endommagent les systèmes naturels fondamentaux en pensant qu’ils apporteront richesse et bien-être, ou de tolérer le manque de responsabilité des entreprises qui polluent l’eau dont dépendent des millions d’entre nous, afin de protéger les intérêts de quelques-uns. Nous attribuons les valeurs de manière erronée.

Nous avons entendu parler de "la nécessité de s’émanciper de la pluie, de ne plus en dépendre". Cette vision relève de la science-fiction et, pour les raisons évoquées, elle sera contrecarrée. Ce que nous disons, c’est qu’il faut s’émanciper de la dépendance d’un système économique déraciné et non respectueux de la vie.

Un article d’Annelies Broekman sur lequel le texte ci-dessus est basé :
https://www.ara.cat/opinio/sequera-solucions-mes-enlla-restricciones-annelies-broekman_129_4851528.html
Annelies Broekman est membre du groupe de recherche sur l’eau et le changement climatique du Creaf (université autonome de Barcelone) et membre de la Taula del Llobregat. Elle est également la représentante de la Xarxa Nueva Cultura de l’Aigua au sein de l’European Water Movement.
La situation décrite en Catalogne ressemble beaucoup à celle des départements du pourtour méditerranéen.

Thierry Uso

Par Uso Thierry

Le dimanche 26 novembre 2023

Mis à jour le 26 novembre 2023