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"Au pays Dogon" par Éliane Gautheron

Après la longue route de GAO à MOPTI, nous arrivons enfin au pays DOGON, en haut des falaises de BANDIAGARA .

La randonnée commence là …Nous sommes 10 randonneurs, nous faisons connaissance avec nos guides et nous voilà partis à travers les cultures de courges et d’oignons. Les courges sont creusées et utilisées comme récipients pour l’arrosage mais aussi pour faire la cuisine, pour boire ( la bière de mil ..) etc.. Ces cultures de courges et d’oignons sont devenues possibles depuis la construction d’un barrage à SANGHA financé par Marcel GRIAULE dans les années 1940 .

La falaise de BANDIAGARA est longue d’environ 200km ; l’escarpement est impressionnant environ 100 m au sud et 300 m lorsque l’on remonte vers le nord .

Ces falaises ont servi de lieu de vie depuis plus de 2000 ans. Les Tellems, peuple de chasseurs-cueilleurs y vécurent en troglodytes, puis les Dogons arrivèrent au 14ème siècle. Peuple d’agriculteurs, les Dogons ont gardé jusqu’à présent l’essentiel de leurs coutumes et de leurs croyances.
Toute leur vie est imprégnée de spiritualité : l’agriculteur, le potier, le forgeron, le tisserand, la femme qui prépare le repas, qui allaite, qui accouche…tout est occasion de se relier avec les esprits, c’est pourquoi les guides dogons nous ont demandé de limiter " les photos " pour ne pas contrarier les esprits et choquer les habitants, particulièrement les " Anciens ".
Les Anciens sont considérés comme des sages, aussi les habitants les consultent avant les décisions importantes. Les Dogons ont des relations fortes avec les esprits des défunts qui les guident.

La vie des Dogons est très communautaire : les TOGUNAS ( ou cases à palabres) sont des lieux sacrés où les hommes vont discuter des problèmes de la communauté, les togunas sont également utilisées pour la justice coutumière et par les Anciens qui aiment se retrouver dans un lieu protégé du soleil par une toiture très épaisse. Les togunas sont des lieux ouverts, construits traditionnellement à une hauteur qui nécessite que les participants restent assis ; si l’un d’eux se fâche et se redresse brusquement, le choc au plafond de la toguna l’incite à retrouver le calme et la sagesse.
Dans chaque village, il y a au moins une toguna où les étrangers n’ont pas le droit de pénétrer.

LES FEMMES sont respectées et leur parole a de l’importance dans cette communauté : par exemple, elles peuvent demander de se séparer de leur mari si elle le souhaite. Elles auront alors la contrainte de justifier leur demande et de la réitérer 3 fois auprès du conseil des Anciens.

Les RELIGIONS musulmane et catholique se développent en pays Dogon mais ces religions cohabitent en bonne intelligence et respectent, voire intègrent, des éléments animistes liés à la cosmogonie dogon toujours très présente. Pour aborder cette cosmogonie, il est intéressant de lire par exemple l’ouvrage de Marcel Griaule intitulé "Dieu d’eau " (1946). Cet ouvrage relate les entretiens que Griaule a eu avec un vieux sage dogon : OGOTEMMELI qui souhaitait transmettre ses connaissances à un blanc dont il avait ouïe dire beaucoup de bien. Ogotemmeli évoque les origines de la création du monde avec Amma, le Nommo, le Forgeron, le Chacal, les Jumeaux.. Il évoque aussi l’organisation du monde, le rôle fondateur de la Parole et du Verbe, les rituels liés au feu, aux danses avec les masque , au monde des morts, au symbolisme des jumeaux.

Les portes et les volets des maisons et des greniers à grain sont sculptés avec les symboles de cette cosmogonie.

Les HABITATIONS des Dogons sont regroupées en une trentaine de villages construits en terre et en pierres, la terre de termitière est utilisée ce qui donne une grande solidité car les termites sécrètent une substance qui solidifie la terre.
Les Dogons vivent dans des maisons simples, construites en carré, ces maisons sont surmontées d’une terrasse que l’on atteint par une échelle -escalier, taillée dans un tronc d’arbre et qui se termine par une fourche qui donne la stabilité. Les terrasses sont utilisées pour dormir au moment des très grosses chaleurs mais aussi pour faire sécher les végétaux pour nourrir les habitants (ou les animaux). A coté de la maison sont construits des greniers très typiques avec leur "chapeau" en paille de mil. Chaque couple possède au moins 2 greniers, l’homme y dépose les produits de son agriculture et la femme garde dans le sien les épices, ses bijoux et ses affaires personnelles. La cuisine s’effectue dehors, au feu de bois, près de la maison ; les fours sont collectifs.

La VEGETATION sahélienne qui entoure les villages, est très aride, toutefois quelques retenues d’eau, dans les parties rocheuses permettent le développement de plantes et d’arbres. En pays dogon on peut voir des karités, des acacias aux longues épines, des tamariniers et des superbes baobabs. Tout est utilisé avec respect, ainsi le baobab permet la récolte des feuilles qui seront utilisées pour réaliser des sauces d’accompagnement. Les fruits acidulés sont recherchés par les enfants, qui les décrochent de l’arbre à l’aide d’un lance pierre !
Le baobab offre une écorce qui permet de fabriquer de la ficelle et de la corde tellement l’écorce est fibreuse. Tous les baobabs ont leur tronc travaillé régulièrement ce qui leur donne une forme particulière.

En ce qui concerne la FAUNE, on peut voir des antilopes et des gazelles, des chacals, des fennecs et quelques éléphants…N’oublions pas les crocodiles et les caïmans qui vivent dans des mares sacrées gardées par deux Dogons.

Et les ENFANTS ? …leur vie se partage entre l’aide à la vie quotidienne (les garçons peuvent garder les troupeaux de chèvres par exemple), et l’école où ils sont très nombreux. J’ai vu un instituteur d’un petit village accueillir dans sa classe 105 élèves. Les enfants (assis par terre) étaient regroupés par niveau, avec un élève désigné par le maître pour rappeler les consignes et mener le petit groupe. Les enfants, attentifs et patients travaillaient dans un calme qui ferait rêver les enseignants de nos pays européens ! ..
Au sortir de la classe, les enfants jouent dans la nature qu’ils apprennent à bien connaître. Les parents les laissent très libres, faisant confiance à la communauté villageoise pour intervenir en cas de nécessité.

Les Dogons ont vécu la récente guerre du MALI avec beaucoup d’inquiétude en voyant se rapprocher les troupes combattantes jusqu’aux portes de Mopti. Les Dogons, vivant du tourisme (guides, porteurs, cuisiniers), se sont tournés de nouveau vers l’agriculture, développant la culture de l’oignon qu’ils font sécher et exportent vers l’Allemagne principalement.
Terminons par un proverbe dogon optimiste .."Le mauvais vent qui souffle, un moment arrive où il s’arrête " …

Par Gautheron Éliane

Le lundi 11 octobre 2021

Mis à jour le 3 juin 2023