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Thomas Coutrot : Le bras long du travail : Conditions de travail et comportements électoraux

 Le bras long du travail : Conditions de travail et comportements électoraux 17.02.24
La crise de la démocratie peut-elle trouver une part de son explication dans les évolutions du travail ? Nombre de penseurs ont souligné que le travail a « le bras long » : la manière dont il est organisé influence les comportements civiques hors travail. Divers travaux en sciences sociales ont montré qu’un travail répétitif et appauvri engendre passivité politique et abstention électorale.
Depuis la fin des années 1990, la montée du lean management et du new public management a provoqué une érosion de l’autonomie au travail. Cela a-t-il contribué à la hausse observée de l’abstention, en particulier chez les catégories populaires ?
L’étude ici présentée évalue le lien entre le degré d’autonomie au travail, la capacité d’expression des salarié·es sur leur travail et leurs comportements électoraux, grâce à l’appariement au niveau communal entre les enquêtes Conditions de travail de 2016-17 et 2019 et les résultats des élections présidentielle de 2017 et européenne de 2019, enrichi par les données compilées par Julia Cagé et Thomas Piketty (2023). Les données ne permettent pas une analyse des dynamiques temporelles, mais fournissent des photographies des liens entre travail et vote lors de deux élections très différentes.
Les résultats confirment qu’à niveau de diplôme, âge, secteur d’activité, profession et autres caractéristiques observables données, l’absence d’autonomie au travail renforce nettement l’abstention aux élections. Pour les salarié.es qui votent, la possibilité de s’exprimer sur leur travail dans le cadre de réunions formelles contribue à orienter leur vote vers les candidats du centre (macroniste) ou de gauche, et les éloigne du vote RN. Parmi les autres aspects des conditions de travail, les horaires atypiques et la pénibilité physique sont associés positivement au vote RN et négativement au vote macroniste.
Ces résultats suggèrent que des politiques publiques visant à améliorer le pouvoir d’agir des salarié.es dans leur travail pourraient avoir des impacts substantiels sur la santé démocratique du pays.
https://ires.fr/publications/documents-de-travail-de-lires/n01-2024-le-bras-long-du-travail-conditions-de-travail-et-comportements-electoraux/

Par Coutrot Thomas

Le samedi 17 février 2024

Mis à jour le 17 février 2024