Frédéric Beaucher, vous participez à la création du Groupement Forestier du Chat Sauvage. Pourriez-vous d’abord nous expliquer ce qu’est un Groupement forestier ?
Les Groupements Forestiers sont des sociétés civiles dont le fonctionnement est similaire à celui des SCI (Sociétés Civiles Immobilières). Les sociétaires ne sont pas propriétaires de parcelles en particulier, c’est le groupement qui est propriétaire de la totalité des parcelles, ils sont détenteurs de parts sociales qui correspondent à leur apport dans la société. Les décisions sont prises par les associés selon des règles de majorité précisées dans les statuts. L’objet d’un groupement forestier est limité à l’acquisition, la constitution, la mise en valeur d’un ou plusieurs massifs forestiers, à l’exclusion d’opérations de transformation des produits forestiers.
La particularité du Groupement Forestier du Chat Sauvage est d’afficher dans ses statuts comme objectifs prioritaires le maintien de la biodiversité et de la qualité des paysages, avant la rentabilité économique. L’exploitation et la valorisation des parcelles seront avant tout respectueuses de la faune, de la flore, des sols, de la qualité des eaux…Pour cela, le Groupement est accompagné par un comité scientifique et par un expert forestier qui prône une gestion douce des parcelles boisées.
Un autre objectif est de restaurer le lien entre les habitants et la forêt en démocratisant l’investissement forestier et en faisant en sorte que les sociétaires « s’approprient » les forêts dont le groupement est propriétaire. Le groupement privilégie l’achat de parcelles pour lesquelles des habitants se sont mobilisés.
Pouvez-vous nous préciser la localisation du Groupement Forestier du Chat Sauvage ?
Le siège social est fixé par les statuts à Brassy, mais les parcelles peuvent être situées n’importe où dans le Morvan...
Pourquoi avoir ainsi décidé de cette création du Groupement Forestier du Chat Sauvage ?
A la fois pour faire barrage à un enrésinement quasi systématique de la forêt morvandelle, en étant bien sur conscients du rapport de forces qui ne nous est pas favorable, mais aussi pour recréer le lien entre les habitants et la forêt. C’est pourquoi nous privilégions l’achat de parcelles dont l’acquisition est soutenue ou accompagnée par des riverains, qui peuvent ainsi chercher à protéger leur environnement proche, et qui se rencontreront sur un micro projet de proximité...
Que répondez-vous aux soutiens de ces plantations de résineux quand ils affirment qu’il s’agit de produire le bois dont on a besoin, qu’il s’agit de créer des emplois ?
Le bois est un matériau noble, c’est une ressource renouvelable à assez court terme, dont l’utilisation dans des domaines tels que l’habitat peut présenter un bilan très positif comparé aux matériaux traditionnels. Utilisé avec intelligence, il pourrait être considéré comme une source d’énergie renouvelable et comme un réservoir de carbone. Nous ne sommes donc bien sûr pas opposés à une exploitation raisonnée de la forêt, et la vente de bois est prévue sur certaines parcelles du groupement. Ce que nous condamnons, c’est la transposition à la sylviculture des pratiques de l’agriculture intensive, avec une seule espèce cultivée sur de très grandes surfaces, dont l’exploitation est facilement mécanisée, en ne considérant que la rentabilité économique à court terme, sans aucune prise en compte de l’impact de ces pratiques sur l’environnement, qu’il soit naturel, social ou humain...
Il existe des pratiques de gestion et d’exploitation alternatives, respectueuses de l’environnement et avec une vision à plus long terme de l’économie... elles demandent plus de technicité et de savoir faire, elles sont génératrices d’emplois, et ce sont celles dont nous voulons faire la promotion sur les parcelles du Groupement…
Comment rejoindre le Groupement Forestier du Chat Sauvage ?
Le plus simple est de prendre contact par mel à l’adresse suivante : gerance forets-chatsauvage.org. Le coût de la part est fixé à 200 euros, on peut en acheter plusieurs… Ce qui est important aussi pour nous, c’est que chaque sociétaire se fasse l’ambassadeur du groupement, nous fasse connaître dans son réseau...
Comment allez-vous parvenir à acheter des parcelles de forêt ?
Pour le moment, nous démarchons auprès de petits propriétaires de notre environnement proche. Nous rencontrons aussi le cas de personnes qui ont hérité de forêts sans avoir particulièrement le goût de s’en occuper mais qui sont soucieuses d’en préserver la qualité et qui nous contactent pour nous en proposer la vente. Elles savent que ce patrimoine sera géré conformément à des valeurs qui leur sont chères
Comment aidez à votre lutte pour la biodiversité et pour la qualité des paysages ?
En devenant sociétaire, en parlant de nous autour de vous
Aujourd’hui, c’est l’alarme pour le dérèglement/réchauffement climatique. Pourquoi votre projet s’inscrit-il précisément dans cette lutte pour des alternatives ?
Parce qu’une forêt bien gérée, dont les sols sont respectés, peut être un bon réservoir de carbone. Parce que le bois qui en est extrait, s’il est utilisé intelligemment, a lors de son utilisation, un bilan carbone bien meilleur que ses concurrents ...
Vous participerez à Alternatiba Yonne, pourquoi s’adresser à tous les icaunais ?
Parce que notre initiative ne réussira que si nous sommes nombreux à y participer… Pour le moment, nous avons plus de parcelles à acheter que ne nous le permettent nos fonds… Notre objectif est d’atteindre au plus vite un équilibre entre les nouveaux apports de la part des nouveaux sociétaires et les nouvelles parcelles à acheter… Mais aussi parce que nous voulons entretenir, s’il en est encore temps, le lien entre les habitants et ces espaces que nous voulons protéger de la logique purement économique (au sens étroit, à court terme, de l’économie) qui prévaut dans presque tous les domaines.