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> "OMC Conférence d’Hong Kong : brèves" BULLETIN ATTAC N°5 PAR FREDERIC VIALE

19 décembre 2005, 11:15

BULLETIN ATTAC N°5
PAR FREDERIC VIALE, D’ATTAC FRANCE,
17/12/05

Samedi 17 décembre 2005
5ème jour

Aux alentours de treize heure aujourd’hui, le projet de déclaration finale est sorti de l’interminable nuit de discussions qui aura précédée. Ce texte est très proche du projet initial qui pourtant a été férocement critiqué, et de toutes parts .

Comment en est-on arrivé là ? Deux éléments permettent de l’expliquer. Tout d’abord, le processus de décision a l’OMC est caricaturalement antidémocratique. Une procédure opaque qui consiste, pour le secrétariat, de convoquer en "chambres vertes" les Etats importants à circonvenir à un moment donné de la négociation. Dans le jargon, la "chambre verte" est une discussion plurilatérale restreinte. Sont organisées des successions de discussions, jusqu’à ce que un texte de compromis soit trouvé. Dans ces circonstances, un texte de compromis est un texte auquel personne n’ose s’opposer. Ainsi avons nous vu des Etats déclarer, les uns après les autres, qu’ils m’acceptaient pas tel ou tel aspect de le négociation, se grouper pour le dire, faire de déclarations publiques tonitruantes puis être convoqués séparément dans des discussions restreintes, et avoir du mal à assumer leurs déclarations publiques. Le texte sur l’agriculture, comme sur NAMA, sans parler des services ont été abondamment critiqués, en vain : on les retrouvent, accompagnés de quelques changements cosmétiques. Mais quelques "concessions" mineures dans tel domaine peut faire que certains acteurs importants bougent leurs positions, lâchant le groupe qu’ils soutenaient jusque la. Et ceux qui persistent encore sont désignés comme ceux qui feraient échouer le processus, ce qui est politiquement difficile à assumer

De surcroît, nous en serions face au 3ème blocage en 10 ans, c’est beaucoup en si peu de temps. Hier, par exemple, le CI (Concil of Services industries) et l’ESF (European Services Forum) ont dit qu’ils doutaient de l’utilité de l’OMC : ce genre de message a valeur d’avertissement, et nul doute qu’il ne soit abondamment relayé par les gouvernements des grands pays.

Ensuite, il faut voir que la focalisation sur l’agriculture a entraîné que cette question a largement masqué les autres, notamment celles de l’accès aux marches non agricoles et des services. Les discussions se sont axées sur les subventions, et l’ouverture des marches. Dés lors, habilement, dans le but de vendre ce cycle de négociations, le développement a été porté au coeur des discussions, avec cette idée que le paquet du développement allait régler les problèmes saillants des pays les moins développés en les intégrant au commerce international. Ce paquet, présente comme une panacée, doit régler les problèmes particuliers des produits sensibles, tels le coton, le sucre, les bananes.

Nous savons, par ailleurs, que les situations des pays sont très différentes les unes des autres : dès lors, les coalitions entre des pays tels que ceux du G20, auquel le Brésil (exportateur net) donne une impulsion forte, et avec celle du G90, moins développés, a pu sembler fragile. Toute la question est de savoir si elle va tenir. Aujourd’hui, le Brésil et l’Inde ont dit qu’ils étaient prêts à avancer, et à accepter l’ouverture de leur marché de services et industriel par les pays du nord si ceux-ci acceptent de fixer une date de suppression des subventions agricoles.

Quelques "pas microscopiques" ont été faits d’après les représentants brésilien et indien, mais on aurait bien du mal a les trouver dans le texte (voir annexe A, lien en fin de texte), tant il est vrai que les différences par rapport au premier brouillon sont infimes. Les Etats Unis se sont engagés sur "l’aide pour le commerce" (dans le cadre du paquet développement", en assurant la doubler, qu’il s’agit d’argent "réel" (et non pas d’un simple de jeu budgétaire), d’argent accordé, dès lors que celui-ci est utilisé "dans le cadre des opportunités qu’ouvrent l’accord" (sic, conférence de presse du jour de l’Ambassadeur EU), mais ils n’ont pas réellement bougés sur la question de l’aide alimentaire, ni aucune date n’a été fixée pour la suppression des subventions.

Coup de théâtre, le commissaire Mandelson assure pouvoir annoncer la suppression des subventions pour 2013. Admirons la perversité de cette proposition., le budget de l’UE venant d’être voté (et assez misérable, d’ailleurs), ne courant que jusqu’en 2013. Ce qui permet tout à la fois d’assurer que la PAC est confortée (à court terme- comme l’a dit le ministre de l’agriculture français aujourd’hui), et d’anticiper sa mort, sans créer d’opposition frontale à l’intérieur de l’Union sur cette proposition.

Sur NAMA, quelques concessions de flexibilité ont été faite également. Considérant le principe du parallélisme des engagements (il convient que les engagements entre dossiers soient "équilibrés") la question NAMA ne semble pas faire de difficultés aux négociateurs dont l’attention se focalise sur l’agriculture. Dans le brouillon de texte final, a été introduite des "flexibilité" (à la demande notamment du Brésil), mais reprend la formule dite "suisse", seulement assortie de coefficients, formule de calcul de réduction des tarifs qui aurait pour conséquence de couper drastiquement les tarifs douaniers. Cela ne semble pas faire l’objet de grandes difficultés en dépit des implications incalculables en termes sociaux et environnementaux. Les fourchettes ne sont pas fixées, cela reste à discuter, tout comme une date de début d’application. Toutefois, comme le répète un nombre considérable de négociateurs, considérant le faible niveau d’ambition au début de la conférence, le simple fait de parvenir à un accord, s’il advient, permettrait d’engager un processus, ce qui permettrait de négocier substantiellement par la suite, dans une sorte de HK-bis qui pourrait se tenir à Genève dans quelques mois. A noter, encore une fois, que les propositions ACP et G90 n’ont pas été retenues.

Et ce qui est frappant, et pourquoi ne pas le dire, consternant, c’est que les représentants des Etats ne parlent pas de l’annexe sur les services, et surtout pas ceux qui font partie du G20 (au pretexte que ce groupe est dédié à l’agriculture). Pourtant, cette annexe C vaut de détour. Elle comporte plusieurs paragraphes inquiétants. Parmi ceux-ci, le 7 a & b organisent des négociations plurilatérales, en édictant (Art 7b) que l’Etat qui recevrait des demandes de négociations en vue de la libéralisation de certains secteurs de services "devra considérer" ("shall consider") ces demandes en accord avec le "Guideline and Procedures for the negociations on Trade on services". La petite histoire sera vite oubliée qu’hier certains pays demandaient le changement de "shall" en "should" (qui est pourtant itératif), mais on retiendra là que ce texte obligerait les Etats à considérer les demandes de négociations, donc à discuter de l’opportunité d’ouvrir des discussions. On institutionnalise là un rapport de force dévastateur pour les pays qui seraient en difficultés financières et budgétaire parce qu’ils seraient endettés par exemples, et un alibi pour ceux qui cherchent à libéraliser en mettant la décision sur le dos d’un processus international par nature anonyme et "nécessaire". Il est question de multilatéraliser des accords pluri ou bilatéraux, ce qui augmentera mécaniquement les secteurs à libéraliser.

A noter aussi qu’aucun crochet (sauf sur certaines dates) ne demeurent : or le texte entre crochets et celui ouvert à discussion parce qu’il n’a pas fait consensus. Encore une exemple de fonctionnement démocratique, ces crochets ont disparu dans la nuit d’hier.

De nombreuses ONG ont critiqué, notamment au motif que cela réduit l’espace des décisions politiques des Etats. Par ailleurs, hier, des Etats ont dit qu’ils refusaient de signer ce texte "non consensuel", finalement six (le Kenya finalement rejoint le G90 sur la question.) Le G90, quand à lui exprime un certain nombre d’exigences portant sur certains §. Rien de tout cela n’a été retenu. Aujourd’hui, un acteur majeur du groupe des 6, l’Afrique du Sud, a réitéré sa position. A voir s’il la tient. Si un accord intervient finalement sur l’agriculture services, il faudra se demander si certains Etats, dont l’Afrique du Sud ne vont pas reconsidérer leur position sur les services, pour éviter d’être accusés d’être responsables d’un "échec". Et, dans la foulée, des pays plus petits seraient fragilisés dans leur opposition jusqu’ici sans faille. Ainsi, le Venezuela se trouverait en première ligne. Qu’elle serait sa position, alors ?

Tout est encore ouvert, même si des signes montrent que finalement un accord est possible, sans doute incomplet, mais qui instaurerait un processus dangereux, notamment pour les services.

Actions extérieures : ça chauffe. A ma grande déception, j’ai vu les portes du Centre de conférences se fermer devant moi alors que je souhaitais rejoindre les manifestants. Je ne vois que ce qui se passe a la télévision, et ça barde. Les manifestants tentent de rentrer dans le Centre et sont très énervés. Les policiers sont présents massivement, les rues sont barricadées, et dans la bulle d’acier et de béton ou nous sommes, rien ne filtre. J’ai pu sortir et rejoindre les manifestants. L’énergie du désespoir. Ils sont d’une violence extraordinaire et d’une détermination sans faille (en plus d’être d’une organisation impressionnante). Il faut dire que les règles de l’OMC obligent tous pays à importer 8 à 10% de ses produits alimentaires, même s’il y a autosuffisance. Cette importation obligatoire se fait au prix mondial (qui est celui du pays qui produit le moins cher), qui se trouve être pour le riz 6 à 7 fois moins cher que le prix de production du riz coréen. Ils sont contraints à augmenter leur productivité, ce qui implique, nécessairement, une disparition d’une part considérable d’entre eux.

Pour lire le projet de déclaration 1.

Le projet révisé (en anglais).

Corrigendum (modification du § 23)

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