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Jacques Berthelot : Analyse de la méthodologie d’évaluation du CETA

7 décembre 2014, 14:29, par Yonne Lautre

La méthodologie pseudo-scientifique d’évaluation de l’impact du CETA adoptée par la Commission européenne est attestée par les résultats très divergents de deux évaluations : celle de 2008 par les universités de Toronto et Linz à la demande conjointe de l’UE et du Canada (que l’on appellera CEJS, Canada-EU Joint Study) et l’autre en 2011 (SIA : sustainability impact assessment) par l’université de Manchester à la demande de l’UE. Malgré les mêmes modèles (GTAP) aux limites bien connues, les mêmes hypothèses irréalistes – élimination des droits de douane bilatéraux, leur réduction multilatérale conforme aux modalités agricoles du Doha Round de février 2008 (qui n’ont jamais été adoptées), un taux identique de baisse (de 6% à 10%) du coût des services –, l’étude de 2008 conclut à une hausse insignifiante de 0,08% du PIB de l’UE de 2004 à 2014 et l’étude SIA à une hausse encore plus faible de 0,03% et, pour le Canada, de 0,77% du PIB contre de 0,36%. Ces 0,03% sont à comparer à la hausse effective du PIB de l’UE27 en euros constants qui a été de 9,3% de 2004 à 2014 (0,81% par an). Quant à l’impact du CETA sur le PIB du reste du monde, le SIA estime qu’il serait négligeable sauf pour les pays ACP et les PMA où il baisserait de 0,01%, une autre raison de le refuser.

Pour le CEJS la libéralisation des services contribue à 50% des gains de PIB pour l’UE et à 45,5% pour le Canada, l’élimination des tarifs à 25% pour l’UE et à 33,3% pour le Canada et les autres gains découlent d’une réduction des coûts des barrières non tarifaires (BNT). Le SIA n’a pas calculé la réduction des BNT dans le gain de PIB mais donne un poids supérieur au CEJS pour la libéralisation des services qui contribue à un peu plus de 50% des gains de PIB pour l’UE et le Canada et l’élimination des tarifs pour un peu moins de 50%. Pour le SIA les gains de PIB du Canada viendront surtout de la libéralisation des tarifs et ceux de l’UE de la libéralisation des services.

Selon le rapport CEJS "La plupart des droits de douane applicables aux biens les plus échangés entre les deux partenaires sont bas… Seuls les aliments transformés font l’objet d’une protection tarifaire élevée. Un tarif de plus de 30% est imposé aux exportateurs européens vers le Canada, et de 17% aux exportateurs canadiens vers l’Europe. Les tarifs sur la plupart des autres produits les plus échangés sont inférieurs à 3%".

Une autre différence est que le SIA évalue l’impact social (salaires) et environnemental de chaque activité, ce que ne fait pas le CEJS.

Une lacune commune aux deux évaluations, comme pour le TAFTA, est qu’elles ne semblent pas avoir tenu compte de trois facteurs importants de la compétitivité des entreprises : les prix de l’énergie et du travail et le taux de change.
 Le prix du litre d’essence était le 3 novembre 2014, en dollars US, de 0,86 aux USA, de 1,18 au Canada, de 1,79 en France, 1,80 en Allemagne, 2 au RU, 2,16 aux PB et 2,19 en Italie. Pour le diesel : 0,96 aux USA, 1,10 au Canada, 1,55 en France, 1,64 en Allemagne, 2,08 au RU, 1,79 aux PB et 2,05 en Italie.
 De même le coût horaire total du travail dans l’industrie était en 2012, en base 100 pour les USA, de 103 au Canada, 107 en Irlande, 111 aux PB, 112 en France, 116 en Autriche, 119 en Finlande, 128 en Allemagne, 136 au Danemark, 140 en Suède, 146 en Belgique mais, à l’inverse, de 96 en Italie, 88 au RU, 75 en Espagne, 54 en Grèce, 34 au Portugal et Tchéquie, 32 en Slovaquie, 29 en Estonie, 25 en Hongrie et 23 en Pologne (et 18 au Mexique, ce qui explique l’impact de l’ALENA sur l’emploi et les salaires aux USA). Pour la zone euro, l’indice était de 115,7 en 2012 (après 121,8 en 2011).
 Même si, du 6 janvier au 6 décembre 2014 l’euro s’est déprécié de 11% vis-à-vis du dollar US (de 1,3602 à 1,2362 $ US pour 1 €) et de 3,9% vis-à-vis du dollar canadien (de 1,46627 à 1,41066 $ canadien pour 1 €), sur les 4 dernières années, du 5 décembre 2010 au 5 décembre 2014, l’euro s’est déprécié de 10,7% vis-à-vis du dollar US (de 1,3280 à 1,2362 $ US pour 1 euro) mais s’est apprécié de 4,6% vis-à-vis du dollar canadien (de 1,34532 à 1,41066 $ canadien). Cela implique a priori, si ces tendances se poursuivaient, des risques supérieurs de perte de compétitivité vis-à-vis des produits canadiens que vis-à-vis des produits US.

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