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Campagnes solidaires, le mensuel de la Confédération paysanne : 20 ans de luttes pour les droits des paysans sur leurs semences

15 juin 2017, 11:40, par Yonne Lautre

Au cœur des luttes pour les droits des paysans sur leurs semences

L’articulation de la désobéissance civile non violente, des mobilisations paysannes et citoyennes, de la représentation syndicale sans concession et des campagnes de plaidoyer a permis de repousser de nombreuses offensives de l’industrie contre les droits des agriculteurs sur leurs semences et d’inscrire ces victoires dans les lois.

La Conf n’a que 2 ans lorsque, en août 1989, la Fnsea signe un accord interdisant le triage à façon des semences de ferme. Les paysan.nes organisent de nombreuses manifestations, protègent les trieurs et créent une coordination de défense des semences de ferme, la CNDSF (1) : l’accord ne sera jamais appliqué. En 1991, les semenciers français tentent d’inscrire l’interdiction des semences de ferme dans une convention intergouvernementale, l’UPOV (2). La mobilisation paysanne permet de rejeter l’interdiction, mais pas le paiement de royalties. 25 ans après, la majorité des paysan.nes utilisent toujours leurs semences de ferme sans payer. En 2013, un projet de loi vise à permettre aux obtenteurs de saisir leurs récoltes. La Conf occupe les bureaux du GNIS (3) et obtient son retrait. Seules les espèces administrées, comme le blé, permettent aux organismes agréés par l’État de prélever les royalties lors du paiement de la récolte.

Dès l’arrivée des premiers OGM en 1997, la Conf organise le fauchage à visage découvert de plusieurs dizaines d’essais, tous suivis de procès qui deviennent autant de tribunes. Les condamnations financières mettent le syndicat au bord de la faillite, mais la mobilisation s’étend à toute l’Europe et bloque toute autorisation de cultures transgéniques. Avec la naissance des Faucheurs volontaires lors du rassemblement altermondialiste du Larzac de 2003, les citoyen.nes prennent le relais, la lutte continue sans mettre en péril le syndicat paysan.

La même année, de nouveaux règlements européens imposent l’évaluation et l’étiquetage des OGM, mais lèvent aussi le moratoire. En 2007, le maïs transgénique couvre plus de 20 000 ha en France. Fauchages volontaires, manifestations, grèves de la faim, communes et régions sans OGM : une mobilisation d’une ampleur inégalée. Le « Grenelle de l’environnement » se conclut sur un refus des « OGM pesticides ». La Conf réalise qu’il est temps de passer de la seule dénonciation à la proposition de lois opérationnelles. Dès 2008, un moratoire national interdit la culture du seul OGM autorisé (4). La loi soumet l’utilisation des OGM au respect des cultures et des filières « sans OGM » et impose la participation des organisations paysannes et de la société civile aux recommandations du Haut Conseil des Biotechnologies.

La Fnsea veut alors organiser la coexistence. Lorsque le HCB rappelle que le respect du « sans OGM » rend son projet inapplicable, elle claque la porte et se retourne vers le Conseil d’État qui annule le moratoire. Il est aussitôt repris, puis annulé, puis repris... jusqu’au vote en 2014 d’une loi interdisant la culture de maïs OGM, seule espèce OGM cultivée en Europe.

Mais à quoi bon refuser les OGM si les paysan.nes restent dépendants de l’achat de semences industrielles et si leurs gènes brevetés contaminent toutes les semences paysannes ? Pour répondre à ce défi, la Conf’, les organisations bio et la CNDSF convoquent en 2003 l’Assemblée constitutive du Réseau Semences Paysannes. La Conf s’engage à défendre tout paysan poursuivi pour avoir échangé ou vendu ses semences. De nombreuses manifestations répondent à chaque injonction du GNIS. La Conf démontre que ces injonctions sont abusives, le gouvernement dessaisit le GNIS de sa mission de contrôle du marché et aucun paysan n’est condamné. Les semis collectifs, les bourses d’échanges et les programmes collaboratifs de sélection paysanne se multiplient. La Conf suscite la création du collectif « Semons la biodiversité » pour proposer une loi protégeant les droits des paysans. Le HCB sert de caisse de résonance et de lieu de négociation. De nombreux élus se mobilisent. En 2014, le Parlement annule la portée des brevets en cas de contamination des semences. En 2016, il reconnaît le droit des paysans d’échanger leurs semences et interdit les brevets sur les semences issues de procédés traditionnels de sélection.

Les sociétés semencières ne supportent plus le refus européen des OGM, au cœur des résistances internationales à leur domination. Elles décident de contourner ce verrou avec leurs OGM cachés qui permettent de breveter les gènes « natifs » des plantes et des animaux (5). Dès 2008, les visites citoyennes de plate-forme d’essais se multiplient. En réponse au gouvernement qui tergiverse, les Faucheurs volontaires passent à l’action tandis que la Conf et huit organisations citoyennes saisissent le Conseil d’État qui renvoie le dossier à la Cour de justice européenne. Dans l’attente de sa décision, la diffusion massive des savoirs paysans qui permettent aux semences paysannes de conquérir chaque année de nouveaux champs annonce les prochaines victoires.

Guy Kastler,

commission semences et OGM de la Confédération paysanne

La Coordination nationale de défense des semences de ferme rassemble la Confédération paysanne, le Modef, la Coordination rurale, la Fédération nationale de l’agriculture biologique (Fnab) et les Trieurs à façon

Union pour la protection des obtentions végétales

Groupement national interprofessionnel des semences et plants

Le maïs MON810, de Monsanto

Campagnes solidaires a consacré plusieurs articles sur ce sujet, notamment sur les variétés rendues tolérantes aux herbicides par mutagénèse (VrTH).

http://www.confederationpaysanne.fr/

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