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Humblement, à chaud, en tant que simple gilet jaune

27 janvier 2019, 15:54, par Michèle Fernandez

Nous étions cent cinquante gilets jaunes hier, à arpenter les rues d’Auxerre joyeusement, avec une première rangée de marcheurs en béquilles, c’est dire notre motivation. Certains d’entre nous venaient directement du rond-point de l’Europe. Notre banderole, Si le climat était une banque, ils l’auraient déjà sauvé, en tête de cortège… Parce que pour nous c’est clair, c’est le système qu’il faut changer, pas le climat. Et casseroles, sifflets, chansonnette… menaçante pour Macron, ça riait, et quelquefois ça marchait trop vite. Et nous avions aussi notre chanson des gilets jaunes du rond-point de l’Europe, spécialement conçue pour nous par un copain gilet jaune, et qu’on apprend tous ensemble au fur et à mesure de nos marches et actions.
Nous sommes arrivés à 15 heures à la place de la mairie, il n’y avait encore personne. C’était de bon augure, des mariés en sortaient. Nous qui venions à la rencontre des écolos organisés en associations de notre chère ville, nous n’avions rien prévu, ni micro ni sono… mais la scène étant vide, et étant venus jusqu’à la mairie, nous avions bien quelque chose à dire… Nous avons chanté et, ô crime, occupé la scène… La sono et le micro auraient été bienvenus, mais nous ne savions pas que vous étiez restés coincés à l’intérieur. Avez-vous eu peur de sortir et de nous prêter votre matériel ?
Grand merci de nous avoir laissés chanter.
Puis vous vous êtes retrouvés à trois à installer le matériel sur notre belle scène de la mairie… sans nous saluer, sans un mot. Le premier gars qui a parlé (le premier qui a fait son discours) a dit à un instant, de manière assez méprisante, après une de nos chansonnettes : « C’est bien, c’est la démocratie vous avez eu la scène jusqu’à présent, mais maintenant c’est à nous. Eh oui, c’est ça la démocratie. » On était de vilains fachos… il fallait dégager. Le monsieur a pris le micro. Pas un mot dans son discours (déjà préparé) qui s’adresse directement aux gilets jaunes, son premier public, là présents, avec d’autres écolos qui s’y mêlaient, certains heureux de cette convergence. Rien sur la question sociale, rien pour faire lien. Rien sur la répression là aussi historique que nous vivons ! 12 décès et 1 900 blessés parmi les manifestants, dont près d’une centaine ont été mutilés, défigurés ou éborgnés, comme Jérôme Rodriguès, à Paris ce même jour, et près de 7 000 interpellations. À l’heure où le peuple de notre cher pays est en train d’écrire une page de l’histoire, à l’heure où l’urgence est tout autant sociale qu’écologique, à l’heure où ce sont les hommes qui font l’histoire, qui bloquent les grandes enseignes commerciales, qui bloquent les péages, qui troublent l’ordre public, un peuple qui manifeste, pas un mot de votre part pour parler directement à ce public de gilets jaunes, attentif et sage… sage… dans les premiers temps.
Le mépris, un mépris de classe.
Miroir mon beau miroir…
Après, nous avons eu droit au jeu des mille euros avec la cagnole… Certains s’y sont prêtés en jouant, nous étions là pour fraterniser… Puis ça commençait à faire de plus en plus long. La cagnole. Et toujours rien de dit directement à ces élèves tassés qui subissaient la classe. La monnaie d’échange locale, c’était le sujet du jour… J’entendais fuser les réflexions dans le public. Ça montait. On n’a pas de monnaie, nous, on en est à plus rien avoir à mettre dans l’assiette… Mais il se fout de nous, celui-là. Ça commençait à élever la voix derrière. Oh comme je les comprenais, j’en avais ma claque aussi de tout ce cirque, j’étais écœurée…
Je suis restée le plus que j’ai pu, Ahmed a pris le micro pour dire qu’au moins il ne sera pas dit que les gilets jaunes n’étaient pas écologistes… et on vous a laissés entre vous.
Désolés si nous avons fait partir quelques écologistes hygiénistes, effrayés par le peuple. Nous sommes repartis plus nombreux que nous sommes arrivés, certains nous ont suivis, sans gilet jaune. Et c’est ce qui compte.

Michèle Fernandez

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